Un nouvel élan pour la fondation actionnaire ?
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À l’occasion des réflexions sur l’objet social de l’entreprise et la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), le modèle de la fondation d’actionnaires connaît un regain d’intérêt. En mars, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a annoncé l’ouverture d’un chantier de réflexion portant sur ce statut peu connu et peu répandu en France, sans toutefois l’inclure au projet de la loi Pacte, ce qui aurait pourtant pu être une option pertinente, car ce modèle allie intérêt général et projet entrepreneurial.
En effet, une fondation actionnaire est une fondation œuvrant pour l’intérêt général et à but non lucratif, propriétaire d’une entreprise industrielle ou commerciale dont elle possède tout ou partie des actions (Les fonds de dotation, les fondations d’entreprise, les fondations de coopération scientifique et les fondations hospitalières peuvent également détenir des participations au sein d’entreprises.) . Autrement dit, dans ce schéma, ce n’est plus l’entreprise qui alloue une part de ses bénéfices à une fondation (comme dans le cas des fondations d’entreprise), mais la fondation qui, en tant qu’actionnaire de l’entreprise, reçoit des dividendes qu’elle alloue à sa mission d’intérêt général.
Dans certains pays d’Europe ou du monde, le secteur des fondations, comme les détentions majoritaires de sociétés par des fondations, est plus développé qu’en France. Selon une étude européenne portant sur les fondations actionnaires et publiée par Prophil en collaboration avec Delsol avocats, la chaire philanthropie de l’Essec et Mazars, les fondations détiendraient 100 milliards d’euros d’actifs chez nos voisins allemands et 70 milliards d’euros chez les Britanniques, contre 22 milliards d’euros seulement en France. En termes de détention de sociétés par une fondation, le Danemark compterait 1 350 fondations actionnaires, et 54 % des entreprises danoises cotées en Bourse seraient détenues par des fondations. La Suède et l’Allemagne compteraient chacune 1 000 fondations actionnaires, et 10 d’entre elles, en Suède, contrôleraient 25 % de l’économie du pays. Des groupes d’ampleur mondiale tels que Carlsberg ou Lego au Danemark, Ikea en Suède, Rolex en Suisse ou Bosch en Allemagne sont ainsi détenus par des fondations.
Quatre sociétés françaises détenues par une fondation
La France ne compte quant à elle que quatre sociétés commerciales détenues par une fondation à titre majoritaire ou de référence : les laboratoires pharmaceutiques Pierre Fabre, le groupe d’agroalimentaire Avril, l’Institut Mérieux et le groupe Varenne, propriétaire du groupe de presse La Montagne. Cependant, avant d’aller plus loin dans l’analyse de cet état de fait et des moyens pour y remédier, il est fondamental de rappeler que le terme « fondation » ne recouvre pas les mêmes réalités en fonction des pays concernés. À l’étranger, les structures ainsi dénommées n’ont pas nécessairement une mission d’intérêt général : plusieurs pays leur permettent d’avoir un objet commercial tourné vers des intérêts privés.
Les fiscalités qui y sont attachées sont, de ce fait, différentes elles aussi d’un pays à l’autre. En France, le législateur a bien veillé, dès la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, à sanctuariser la notion de fondation afin de la rattacher aux seules œuvres et missions d’intérêt général. Au sens fiscal, cette notion d’intérêt général repose sur les trois piliers que sont la non-lucrativité, la gestion désintéressée et un rayonnement allant au-delà d’un cercle restreint de personnes. À ce titre, les fondations françaises reconnues d’utilité publique bénéficient d’une fiscalité particulièrement avantageuse pour elles-mêmes comme pour leurs donateurs (pour ces derniers : réduction d’impôt dans le cadre du dispositif du mécénat et, pour les fondations reconnues d’utilité publique exclusivement, éligibilité au don-IFI). Pendant longtemps, le Conseil d’État s’est montré hostile à la détention majoritaire d’une société commerciale par une fondation reconnue d’utilité publique, considérant comme incompatibles la mission d’utilité publique et l’activité d’administrateur d’une société commerciale, mais une ouverture s’est opérée avec la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et l’adoption d’un amendement dit « Carayon » (article 18-3 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat modifiée), visant à permettre à Pierre Fabre de faire de la fondation Pierre Fabre, créée en 1999, son légataire universel et la détentrice de 86 % du capital de Pierre Fabre SA – les 14 % restants étant répartis entre les salariés (à hauteur de 8,4 %) et l’entreprise, elle-même en autocontrôle. Cet amendement a ainsi permis la détention par les fondations reconnues d’utilité publique de titres de sociétés reçus à l’occasion d’une « opération de cession ou de transmission d’entreprise », sous réserve que le principe de « spécialité » soit respecté (en vertu de ce principe, la fondation ne peut posséder que des titres de sociétés commerciales menant une activité en rapport avec son objet).
Ces conditions et les contraintes liées au modèle même de la fondation reconnue d’utilité publique (durée de création, impossibilité pour les fondateurs de représenter plus d’un tiers des sièges au conseil d’administration, présence de l’État au sein de la gouvernance, etc.) ont fait que peu de nouvelles fondations reconnues d’utilité publique détentrices d’entreprise ont vu le jour depuis 2006.
Un système vertueux de vases communicants
Cherchant à renforcer et à diversifier les ressources économiques à caractère pérenne de ses membres, le Centre français des fondations, plus grande association française de membres constitués sous la forme de fondations et de fonds de dotation, a formulé, dès le projet de loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, plusieurs propositions de modification de l’amendement Carayon visant à rendre plus attractif en France le modèle de la fondation reconnue d’utilité publique détentrice d’entreprise. L’une d’elles prône la suppression de l’indication du moment exclusif d’une « opération de cession ou de transmission d’entreprise » ainsi que le retrait du principe dit de « spécialité ». Toutefois, il n’y a pas de remise en cause de l’étanchéité actuellement requise entre la détention des titres (gestion patrimoniale) et l’exercice direct d’un rôle de décideur dans l’entreprise détenue (gestion active), afin que la détention demeure bien un moyen de développer les ressources de la fondation et non une nouvelle mission économique s’ajoutant à sa mission d’intérêt général.
À l’heure où 700 000 entreprises sont susceptibles d’être cédées au cours des dix prochaines années, le gouvernement a entamé en 2016 une réflexion sur les fondations actionnaires (voir plus particulièrement le rapport de l’Inspection générale des finances intitulé « Le rôle économique des fondations », paru en avril 2017). En effet, quand bien même la dépossession irrémédiable et définitive qu’implique le don des titres à une structure d’intérêt général ne conviendrait pas pour tous les projets de transmission d’entreprise, le modèle en question a le mérite d’impliquer, dans un jeu de vases communicants vertueux, deux structures différentes : l’une d’intérêt général, l’autre d’intérêt économique (contrairement aux entreprises dites « à mission » de la loi Pacte, où la mission sociale est intégrée à l’objet même de l’entreprise). Tandis que les dividendes tirés de la détention d’entreprise favorisent la pérennité de la fondation, la détention des titres par la fondation préserve les emplois et l’intégrité de l’entreprise d’éventuelles OPA et dislocations, tout en donnant à son activité commerciale un sens philanthropique vecteur de valeurs et de cohésion en termes de gouvernance comme pour les salariés.
Anca Ilutiu
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