La gestion coopérative : un modèle performant face aux défis de l’avenir

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Daniel Côté, JFD éditions, 2018, 425 pages

Ce livre s’appuie sur un travail de synthèse riche de vingt années d’observation de la vie des coopératives. L’analyse est particulièrement intéressante en ce qu’elle articule des aspects conceptuels et pratiques. L’ouvrage est ainsi structuré en deux parties. Dans la première, l’auteur aborde ce qu’il nomme les « modèles théoriques » en faisant appel à une bibliographie importante. La seconde, quant à elle, permet de tester les modèles en ouvrant un espace de réflexion autour de cas concrets. L’auteur propose notamment au lecteur son analyse de neuf études de cas issues du monde entier et aux contours très variés, qui donnent de la profondeur au travail présenté. En outre, l’ouvrage est agrémenté de nombreux graphiques et figures qui en facilitent la lecture.

Les modèles théoriques de la coopérative
Dans son analyse conceptuelle, Daniel Côté distingue trois modèles qu’il développe tout au long de son argumentation. Le premier, appelé « modèle d’équilibre coopératif », est défini comme permettant d’aligner les valeurs et les principes coopératifs dans un cadre de gestion adapté. Il se construit autour de thématiques comme la participation, la démocratie, l’éducation, l’engagement communautaire, l’intercoopération, les valeurs et pratiques commerciales et managériales. C’est en quelque sorte, le modèle traditionnel ou originel des coopératives. Le deuxième, qualifié de « modèle du malaise identitaire », est le fruit de la modification des règles de marché et des règles coopératives. Il rend compte de la trajectoire dénaturalisante de coopératives en raison de changements structurels ayant un impact majeur sur leur émergence et leur évolution. L’auteur note tout d’abord que les conditions actuelles ne reflètent plus les échecs du marché auxquels les membres des coopératives étaient historiquement soumis. En outre, l’individualisme ambiant a eu pour conséquence de développer chez eux une attitude consumériste et une attention limitée aux seuls services. L’augmentation considérable du nombre de membres dans les grandes coopératives joue également un rôle non négligeable en accentuant la fréquence des comportements de type « passagers clandestins » et en affaiblissant le statut de propriétaire. Enfin, l’interpénétration des champs d’activité des coopératives et de leurs concurrents favorise l’isomorphisme avec les entreprises à capital-actions. Cependant, face à tous ces changements, les coopératives ne sont pas sans ressources.

Vers un nouveau paradigme coopératif ?
Ainsi, le troisième modèle est désigné comme le « nouveau paradigme coopératif (NPC) » et se veut une réponse au malaise identitaire et aux transformations radicales des règles concurrentielles. L’auteur fait l’hypothèse que « les coopératives pourront tirer avantage de cet environnement concurrentiel émergent tout en s’appuyant sur les valeurs et principes au cœur de leur nature et structure distincte ». Le modèle cherche ainsi à identifier les leviers stratégiques propres à permettre un rebond des coopératives dans un contexte pas toujours porteur. Il est basé sur un sentiment de propriété psychologique et cherche la congruence des valeurs dans la loyauté, l’engagement, la démocratisation et la co-création de valeur. Il vise à exploiter, selon l’auteur, « un potentiel sous-estimé et sous-utilisé » au sein des coopératives pour faire émerger un mode d’organisation à même de produire des avantages concurrentiels durables. Pour Daniel Côté, « les principes coopératifs sont des leviers parfaits pour construire les routes (stratégies) conduisant au développement d’un sentiment de propriété psychologique ». Ce sentiment peut s’appliquer tant aux consommateurs qu’aux employés. L’auteur suggère alors que le succès des coopératives peut se jouer dans la convergence des fondements de l’identité coopérative et de ceux d’une gestion de la loyauté. Pour sa démonstration, il utilise quatre quadrants dans lesquels il situe les coopératives. Ces quadrants se construisent selon deux axes : l’intensité des règles coopératives et celle des règles du marché. Dans le premier quadrant, l’intensité des règles coopératives est forte et celle des règles du marché faible. On y trouve notamment les caisses acadiennes. Dans le deuxième, l’ensemble des règles (coopératives et de marché) est faible. C’est le cas par exemple des coopératives agricoles coréennes. Dans le troisième, les coopératives sont bien plus soumises aux règles de marché qu’aux règles coopératives. Pour l’auteur, le quatrième quadrant est intéressant en ce qu’il conjugue l’intensité des règles coopératives et de marché ; c’est l’espace dans lequel le NPC peut se déployer. L’exemple phare de ce dernier quadrant est Agropur. Bien que plongée dans un environnement hyperconcurrentiel, cette coopérative a en effet une longue histoire d’investissement dans la formation de ses membres. Ces derniers sont régulièrement informés et consultés sur les orientations stratégiques de la coopérative. Un modèle démocratique bien structuré permet la possibilité d’un dialogue constructif et la production d’avantages comparatifs.

Si les idées développées dans le livre sont intéressantes, on peut cependant s’interroger sur l’optimisme qui semble guider l’auteur quant à la capacité des coopératives à relever les défis du contexte hyperconcurrentiel dans lequel elles sont plongées. On aurait aimé une approche un peu moins idéalisée du potentiel coopératif, alors même que la littérature développe la notion de « dé-coopérativisme ».
On peut aussi regretter que la question de la performance n’ait pas fait l’objet d’une déconstruction plus aboutie. Il y aurait sans doute une réflexion critique de la performance à poursuivre sous l’angle d’une gestion de la loyauté ou d’une gestion juste. Enfin, l’auteur ne mentionne pas, parmi les défis de l’avenir évoqués dans l’ouvrage, les plus importants d’entre eux. Or, c’est certainement dans la réponse aux enjeux climatiques et sociaux que le renouveau coopératif le plus attendu pourra s’exprimer. Dans ce cadre-là, il est indispensable pour les coopératives de s’opposer à l’hyper-concurrence en trouvant les moyens de restaurer le chemin de la coopération. C’est en effet la seule perspective viable pour engager notre monde dans la difficile mais nécessaire transition sociale et environnementale qui l’attend. Cela suppose, pour les coopératives, un retour à un horizon de transformation sociale et sans doute l’invention libératrice d’un cinquième quadrant.

Philippe Eynaud