Les nouveaux modèles d’économie sociale au Venezuela (une réponse au capitalisme rentier ?)

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Forte d’un recensement de plus de 250 000 coopératives au second semestre 2009, l’économie vénézuélienne est actuellement en pleine métamorphose, expérimentant de nouveaux modèles de production au service de la collectivité. Les travaux consacrés à la coopération et à l’économie sociale, promue par une politique volontaire, y sont en pleine ébullition. 

Le « boom coopératif » des années 2000

Presque dix ans après l’adoption de la LEAC (Ley especial de asociaciones cooperativas), en 2001, l’encouragement à la création de coopératives par l’Etat vénézuélien est un des axes centraux des politiques publiques en faveur de la socialisation de l’économie. Ce décret se substituant à la loi des coopératives de 1966, réformée en 1975, reprend les grands principes coopératifs défendus par l’ACI. Le recensement des coopératives effectué par la Sunacoop (Superintendance des coopératives) fait état d’un bond de 1 336 à 94 242 coopératives enregistrées de 2001 à 2005, pour arriver aujourd’hui au chiffre symbolique de 250 000. L’effort de l’Etat est très important dans ce domaine : il s’est doté d’un ministère consacré à l’économie populaire (Minec, ministère de l’Economie communale) et de différentes missions sociales permettant la création de coopératives ou la transformation en coopérative (mission « Che Guevara », mission « Fabrica adentro »). Ce « boom coopératif » peut s’expliquer par la mise en place d’instruments incitatifs, comme les avantages fiscaux ou les contrats privilégiés avec l’Etat, et reste lié à une volonté politique orientée vers l’accès à la production de populations précarisées. Il représente un investissement financier important, à la fois par la promotion de cette nouvelle organisation du travail, par la mise à disposition de formations gratuites à l’entrepreneuriat collectif, mais surtout par les apports en capitaux nécessaires au lancement d’activité.

Ce mouvement de création de coopératives est cependant largement remis en cause actuellement au sein des institutions publiques. La réalisation d’entretiens avec des fonctionnaires de la Sunacoop donne à voir une tout autre réalité. Le nombre de coopératives enregistrées doit en effet être relativisé : 70 000 seulement seraient solvables et en activité. Les difficultés de pérennisation des coopératives s’expliquent notamment par un défaut de contrôle des ressources offertes aux porteurs de projet et aux gérants des entreprises. De sorte que le « boom coopératif » vénézuélien est bien souvent perçu dans les institutions publiques comme ayant été un mal nécessaire mais coûteux dans l’expérimentation politique bolivarienne.

L’émergence de nouvelles organisations socio-productives participatives

En juin 2008, la loi pour le développement de l’économie populaire est donc adoptée. Elle permet la création de nouvelles organisations socio-productives avec l’idée de créer une association étroite entre le secteur des coopératives et les instances exécutives du « pouvoir populaire » (conseils communaux mettant en oeuvre la démocratie participative locale). Ces unités de production recherchent un impact social maximal dans les communautés où elles sont localisées en y redistribuant leurs excédents. Cette loi qualifie d’« organisations socio-productives » les entreprises de distribution sociale, les groupes d’échanges solidaires, les entreprises communales ou de propriété sociale directe, les groupes de troc communautaire, ainsi que les entreprises de production sociale (EPS) [loi consultable sur www.sunacoop.gob.ve]. Le gouvernement promeut la création de ces organisations pour construire des réseaux de production communautaire qui doivent rendre possible la participation active des populations sur ces territoires dans le processus de création et de distribution de la richesse créée.

Les EPS incarnent le nouveau souffle donné à l’économie sociale au Venezuela. L’originalité de ces entreprises, régies par le statut de société anonyme, réside dans la promotion de la participation des membres d’une communauté (espace territorial spécifique) au fonctionnement et au développement des structures. La détention du capital est assumée collectivement et égalitairement entre les entités associatives fondées sur les principes de la coopération et de la solidarité (fédérations de coopératives) et les organismes de gestion de fonds publics chargés de leur création (instituts autonomes d’impulsion de l’appareil productif). La propriété sur les moyens de production n’est ni strictement privée ni étatique, mais celle des communautés administrées par les conseils communaux. Les EPS sont présentes dans les différents secteurs de l’économie nationale : construction, transport de charge, transformation de matières premières, tourisme… Leur production est dite « sociale » et l’indicateur de leur productivité se base sur l’évaluation du bien-être accompli par unité produite (par exemple, combien d’éviers une tonne de beurre de cacao vendue permet-elle d’installer dans les foyers ?). La distribution des bénéfices du travail collectif détermine la rémunération ; c’est le salaire social, évalué en fonction des nécessités locales et de l’apport productif de chacun des membres. Cette distribution se réalise de façon démocratique (assemblées) ; le directoire est composé paritairement des représentants des entités associatives et des entreprises publiques. L’objectif fondamental n’est pas la recherche du profit, mais celle de la création d’emplois et la satisfaction des nécessités des populations inscrites dans l’environnement de l’entreprise. Le partage de la responsabilité doit permettre l’interaction entre les différents acteurs du territoire et contribuer à la construction de son développement endogène (faire émerger d’autres EPS, par exemple) (1).

Vers un nouveau modèle productif ?

Le plan national Simon Bolivar (2007-2013), plan de desarollo economico y social de la Nacion, fixe les grands axes des politiques publiques et pose les bases d’un nouveau modèle productif (NMP). Pour Victor Alvarez, ancien ministre des Industries actuellement chargé du programme de recherche sur le NMP au sein du Centre international Miranda, l’économie du Venezuela, membre fondateur de l’Opep, est intrinsèquement liée à la « capture de la rente pétrolière par un nombre réduit de personnes ». Cette « économie de port » fondamentalement inégalitaire n’a pas permis un développement économique durable (agriculture, industrie manufacturière, recherche et développement…). Le plan national Simon Bolivar est conçu comme une alternative au capitalisme rentier (absence de redistribution du capital dans le secteur industriel, latifundismo dans le secteur agricole) en démocratisant l’accès à la création de richesses par la redistribution des excédents au sein de territoires caractérisés par des déficits sociaux importants. Au Venezuela s’expérimentent ainsi de nouvelles relations entre les principes coopératifs et l’économie publique. Ce programme de socialisation de l’économie, pour la création d’une « économie populaire », cible spécifiquement des territoires et des champs économiques stratégiques.

En France, les Scic pourraient offrir un cadre juridique favorable à ce type de développement si la puissance publique, et en premier lieu les collectivités territoriales, décidait d’intervenir en ce sens dans le champ économique.

Pierrick Lavergne (Bénéficiaire en 2009 de la formation « Administration d’entreprise par les entreprises communautaire », programme agricole INCES (Instituto nacional de capacitacion y educacion socialista), Valencia, Estado Carabobo, république bolivarienne du Venezuela.)

(1) Lire le chapitre « EPS, un essai de définition » in El Troudi H., Monedero J. C., Empresas de produccion social, Caracas, Centro internacional Miranda, 2006, p. 91.

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Bénéficiaire en 2009 de la formation « Administration d’entreprise par les entreprises communautaire », programme agricole INCES (Instituto nacional de capacitacion y educacion socialista), Valencia, Estado Carabobo, république bolivarienne du Venezuela.