Notes de lecture

La nouvelle alternative ? Enquête sur l’économie sociale et solidaire

Philippe Frémeaux. Les Petits Matins,
2011, 160 p.

Philippe Frémeaux. Les Petits Matins,2011, 160 p.

Pour répondre à une question aussi importante, il fallait bien une enquête. Une enquête sérieuse, sans concession et qui fasse apparaître les atouts ainsi que les faiblesses de l’économie sociale et solidaire. C’est dans cet esprit que Philippe Frémeaux, président et éditorialiste de la coopérative qui édite Alternatives économiques, mais aussi chroniqueur très en vue à la radio ou à la télévision, propose une exploration de l’univers parfois mal connu, souvent idéalisé, toujours compliqué de l’économie sociale et solidaire. Dans chacun de ses dix chapitres, sa plume fait mouche et son analyse lucide servie par un ton parfois sarcastique mais jamais désenchanté nous éclaire sur les grandes problématiques de ce continent économique à qui d’aucuns promettent un grand soir en forme d’alternative à l’économie capitaliste.

Du Teikei aux Amap, le renouveau de la vente directe de produits fermiers locaux

Hiroko Amemiya. PUR, 2011, 350 p.

Le Japon n’est pas seulement précurseur d’innovations technologiques, il l’est aussi en matière d’innovations sociales, notamment agricoles. Autre élément singulier, l’innovation n’est pas l’apanage des salarymen, des chercheurs des grands laboratoires universitaires japonais ; elle vient aussi des femmes, des mères de famille soucieuses de la qualité de l’alimentation qu’elles donnent à leurs enfants. C’est ainsi que, dans un Japon alors jeune deuxième puissance économique mondiale, cherchant à "produire plus pour vendre plus" et déjà touché par des catastrophes écologiques et sanitaires, le système Teikei voit le jour dans les années 70, opposant la coopération à la concurrence.

L’économie sociale et solidaire : une réponse à la crise ? Capitalisme, territoire, démocratie

Jean-François Draperi. Dunod, 2011, 256 p.

Dans son dernier ouvrage, J.-F. Draperi ouvre un chantier vaste et stimulant : celui de construire la théorie générale de l’économie sociale et solidaire, défi impossible à relever, selon lui, à partir des approches trop partielles. L’économie sociale est trop insérée dans l’économie capitaliste, même si certaines de ses règles permettent aux hommes d’être « plus vertueux » ; l’économie solidaire restreint le champ de la solidarité économique et l’entrepreneuriat social est trop soutenu par le capitalisme des grandes entreprises. Pour rendre compte des nouvelles pratiques et dépasser l’approche limitée à un ensemblier d’entreprises, l’auteur appelle de ses voeux la reconstruction d’une théorie, ou d’une doctrine, qui l’affirme comme mouvement social susceptible de constituer une alternative, sur la base d’un projet social "qui s’adresse à la société dans son ensemble". Il sait que cette démarche sera de longue haleine, mais il tente d’en poser quelques jalons.

1960-2010 : cinquante ans de fidélité à l’économie sociale ou les "virtuosités possibilistes"

Jean-Bernard Gins. Editions Sillages, 2011, 140 p.

Si l’économie sociale se doit de valoriser le collectif, la conviction et l’engagement individuels des dirigeants, qu’ils soient administrateurs (nécessairement militants) ou cadres salariés, sont des leviers essentiels de la dynamique des organisations. En témoigne l’itinéraire de Jean-Bernard Gins, jeune diplômé recruté à la fin des années 50 par le Crédit coopératif, où il effectuera toute sa carrière. Lorsque la fondation est créée en 1984, il en devient le secrétaire général, poste qu’il occupera jusqu’à sa retraite. Dans ce petit ouvrage, il évoque ce temps où « la banque de l’économie sociale » n’était guère connue du public, bien que la Caisse centrale du Crédit coopératif ait été un acteur important du renouveau coopératif pendant la recons truction. Au cours des années 60, l’auteur a contribué au désenclavement du Crédit coopératif, autour duquel il s’est efforcé de tisser, avec les mutuelles assurances, les mutuelles santé et les associations, un véritable réseau de l’économie sociale, avant même que le terme ne soit exhumé par Henri Desroche. Rien d’étonnant, donc, à ce que ce rassembleur intuitif ait été l’un des fondateurs du Comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives (Cnlamca), ancêtre du Ceges, en 1970.

La microfinance : la fin de l’exclusion ?

Sylvain Allemand. Ellipses, Paris, 2011, 180 p.

Dans le prolongement du précédent ouvragede l’auteur, en 2007, ce livre constitue une introduction accessible à la microfinance, à son histoire, aux acteurs de sa « nébuleuse » et à quelques-uns des débats qui traversent le secteur depuis l’introduction controversée en Bourse de Compartamos au Mexique (2007) et la crise de surendettement dans l’Etat de l’Andrah Pradesh, en Inde, depuis de 2010. Il restitue de façon honnête et équilibrée informations et analyses disponibles en français, sans trop céder aux effets de mode ou aux opportunismes dont le secteur est familier (lire, pour le Maroc, Recma, n° 317), et ouvre à la diversité de ce qu’il se propose de dénommer les « microfinances » en évoquant l’épargne, l’assurance, les virements internationaux, etc.

Aux entreprenants associés La coopérative d’activité et d’emploi, d'Elisabeth Bost

Elisabeth Bost. Editions Repas, 2011, 206 p.

Les coopératives d’activité et d’emploi (CAE) constituent une nouvelle expérience coopérative qui marque par son dynamisme et son caractère innovant dans la création d’activité. Outre leur mérite propre, elles présentent encore celui, plus subtil, d’attester la vitalité d’un modèle qui dans les autres familles se caractérise davantage par sa banalisation. Dans l’ouvrage qu’elle leur consacre, Elisabeth Bost, la principale initiatrice de cette expérience, nous offre tout à la fois une présentation de ses spécificités, de l’histoire de son émergence et de ses possibles orientations. La collection des Editions Repas s’enrichit ainsi d’un nouvel élément qui s’y inscrit parfaitement. Le propos de l’auteur est précédé d’une préface de Hugues Sybille et d’une postface de Jean-François Draperi, deux recommandations de poids.

Les territoires des finances solidaires, une analyse régionale en Bretagne et dans les Pays de la Loire, de Pascal Glémain

Glémain P. (dir.). L’Harmattan, Paris, 2010, 226 p.

L’ouvrage rend compte des résultats d’un programme de recherche pour l’innovation sociale et le développement de l’économie sociale et solidaire. Pour entrer dans sa lecture, il faut évidemment sortir de la marginalisation de l’espace dans les théories économiques, mais aussi se dégager d’une acception purement physique du territoire pour explorer ses dimensions institutionnelles, économiques et sociales. En effet, là où l’on s’attendrait à un zonage géographique pour analyser la couverture des finances solidaires en région, on découvre progressivement une démarche dynamique qui appréhende les transformations de ces fi nances dans le grand ouest de la France.

Mémoires d’un goujat, de Laurent Lasne

Laurent Lasne. Le Tiers Livre, Paris, 2011, 212 p.

Qui se souvient du Limousin Antoine Cohadon ? Du jeune « goujat » (apprenti du bâtiment) monté à Paris en 1840 au doyen respecté disparu en 1910, Laurent Lasne nous retrace l’itinéraire de ce militant injustement méconnu, eu égard à la constance de son engagement. Au cours de sa longue vie, ce maçon creusois aura été de tous les bons coups coopératifs, tout en prenant part aux grandes luttes sociales qui ont jalonné le destin des ouvriers parisiens du XIXe siècle.

Une éthique pour l’économie

Hugues Puel. Cerf, 2010.

Alors qu’elle était au coeur de la réflexion de nombreux économistes classiques comme Sismondi, Stuart Mill ou Walras, la question de l’éthique a ensuite été très largement évacuée de la théorie économique dominante à partir du moment où celle-ci s’est focalisée sur le paradigme de l’intérêt et sur la figure de l’Homo oeconomicus, cet être absolument rationnel dont chaque décision est le résultat d’un irréprochable calcul coûtsbénéfices. Depuis une vingtaine d’années, cette question de l’éthique est de nouveau considérée par certains économistes et davantage encore par des gestionnaires et des analystes de l’entreprise à travers notamment les courants de l’éthique des affaires et de la responsabilité sociale de l’entreprise.