RIUESS : trois jours pour projeter l’ESS dans les transitions

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La 21 e édition des rencontres du Réseau inter-universitaire de l’ESS (RIUESS) s’est déroulée à Bordeaux du 1 er au 3 juin 2022, après deux années suspendues par la pandémie. Un retour attendu qui a mobilisé environ 500 participants, chercheurs, étudiants, professionnels, bénévoles  et élus autour du thème : « L’ESS, actrice des transitions ? » Au total, ce sont trois plénières et 39 ateliers  qui ont réuni près de 200 intervenants avec l’intention de capitaliser, croiser et valoriser les recherches sur l’ESS en lien étroit avec les acteurs.
Organisées par la Chaire TerrESS de Sciences Po Bordeaux, ces journées ont révélé l’intérêt croissant en faveur de l’ESS, débutant le jour où un décret d’attribution confiait l’économie sociale, solidaire et responsable au ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Elles ont fédéré de nombreux soutiens venant des mondes académique, socio-économique et institutionnel, tous intéressés par les transitions de nos sociétés à l’ère post-Covid.
Ces rencontres ont aussi témoigné du dynamisme local sur le sujet, en accueillant au préalable le « printemps des dirigeants de l’ESS », une formation inédite organisée par la Ville de  Bordeaux en partenariat avec la CRESS, l’UDES, France active et le Crédit Coopératif. Le Maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, a même accueilli les participants des rencontres à l’Hôtel de Ville, revenant sur l’installation à Bordeaux du siège du Global Social Economy Forum (GSEF), une association créée il y a près de dix ans par Séoul et rassemblant aujourd’hui 83 gouvernements locaux et réseaux de la société civile engagés pour l’ESS. Le transfert a été rendu possible par une alliance unique en France autour de l’ESS entre quatre niveaux de collectivités : Ville de Bordeaux, Bordeaux Métropole,  Département de la Gironde et Région Nouvelle-Aquitaine.
C’est donc à Bordeaux, nouvelle « capitale mondiale de l’ESS », comme se sont plu à le rappeler les locaux de l’étape, que le rapport de l’ESS  aux transitions a pu être approfondi. Conçues lors du premier confinement dû à la crise de la Covid-19, ces journées ont d’emblée visé à ouvrir le débat sur le « monde d’après », renouvelant le problème du changement systémique et des transitions qu’il suppose dans tous les domaines. Après une brillante introduction de Robert Lafore, professeur émérite de droit public et directeur honoraire de Sciences Po Bordeaux, qui a insisté sur les transformations du rapport individu/collectif et les recompositions du modèle institutionnel, le président d’ESS France Jérôme Saddier a donné le ton en appelant les chercheurs à faire de l’ESS « la norme souhaitable de l’économie de demain ». Dans une perspective exploratoire, les journées ont proposé d’articuler la réflexion autour de deux questions : comment l’ESS peut-elle contribuer aux transitions à toutes les échelles ? Et par quelles mutations est-elle elle-même hantée en cette période où elle est traversée par des tensions parfois vives ? Il est bien sûr impossible  de rendre compte de l’ensemble des travaux qui ont été présentés. Des publications viendront les diffuser plus tard. Mais un arrêt rapide sur le programme permet de constater le foisonnement des sujets abordés : villes low-tech, tiers- lieux, coopératives de jeunes, monnaies locales, transitions alimentaires, communs, pratiques coopératives, économie de la fonctionnalité, plateformes coopératives, etc.
Les questions internationales ont aussi été traitées, comme le montre un atelier sur la recomposition de l’ESS en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, ou encore la présence de chercheurs italiens, belges ou brésiliens. Mais, comme souvent dans l’ESS, c’est l’échelle locale  qui a été la plus mise en exergue à travers les dynamiques locales de transition écologique, les Pôles territoriaux de  coopération économique (PTCE) ou les Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Il convient de relever en particulier un atelier autour de la notion émergente de « responsabilité territoriale des entreprises » qui  fera l’objet d’un premier ouvrage collectif publié en fin d’année sous la coordination de l’économiste Maryline Filippi.
Alors qu’on reproche parfois leur engagement aux chercheurs de l’ESS, ceux-ci ne manquant  pas en réaction de critiquer l’illusion de la « neutralité axiologique », les sujets qui fâchent n’ont pas été évités. Des communications plus critiques ont ainsi pu revenir sur les apories du travail associatif ou la transformation des  rapports aux politiques publiques, pouvant conduire à des phénomènes d’instrumentalisation et d’isomorphisme. Les controverses entre les différentes sensibilités de l’ESS – économie sociale, économie solidaire, entrepreneuriat social, sociologie critique, etc. – ont émaillé ces journées.
Au niveau épistémologique, les apports de la recherche-action à l’accompagnement des  transitions ont aussi été explorés dans trois ateliers. Le problème de la construction des connaissances, de la place et de la posture des chercheurs a pleinement été soulevé, comme l’atteste la profusion de notions ayant suscité des débats nourris : « méta recherche-action », « chercheur intervenant », « recherche participative », « R&D sociale », etc. D’autres ont pu s’intéresser  à la question, devenue aussi incontournable qu’insaisissable, de l’évaluation de l’impact ou de l’utilité sociale. Un temps inter-chaires, prenant appui sur l’exemple de la Chaire ESS de l’Université Lumière Lyon 2, a enfin démontré la vitalité des chaires, qui sont apparues comme des outils clés pour mettre en dialogue la science et la société.
Cette effervescence intellectuelle a été rythmée de temps conviviaux, dont une soirée mémorable dans un tiers-lieu emblématique de l’histoire industrielle du quartier nord de Bordeaux, Le Garage  Moderne, lieu de solidarité, de création artistique, artisanale, culturelle et d’éducation populaire. Elle a aussi donné toute sa place à la jeunesse. Les doctoriales, relancées pour l’occasion, ont  réuni une quinzaine de doctorants à l’initiative de deux jeunes chercheuses bordelaises, Marion Pouzoulet et Clémence Favrau. Les étudiants de Master ont préparé  des posters consacrés au thème desjournées, qui ont été exposés à l’Hôtel de Ville de Bordeaux. Un réseau des coopératives étudiantes, représenté localement par la Scic Acc’ESS créée il y a moins d’un an, s’est enfin constitué pour accé- lérer les transitions universitaires.
Ces rencontres ont ainsi permis de projeter l’ESS, de la saisir dans ses dynamiques, ses tensions et ses expérimentations. Alors que se tenait en  parallèle la 110 e session de la Conférence internationale du Travail consacrée au travail décent et à l’ESS, à laquelle a fait écho la plénière de clôture organisée par ESS Forum International, cette 21 e édition du RIUESS a montré que si les  aspirations au changement social n’ont rien perdu de leur force, elles bénéficient désormais d’une fenêtre d’opportunité nouvelle ouverte par la crise.

Timothée Duverger, Maître de conférences associé, directeur de la Chaire TerrESS Sciences Po Bordeaux