Un colloque sur les mutations des régimes territoriaux de l’ESS vient clore le projet Essaqui

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Les 28 et 29 mai 2019, un colloque intitulé « Les mutations des régimes territoriaux de l’économie sociale et solidaire. Institutionnalisations en miroir » s’est tenu à Sciences Po-Bordeaux. Organisé par le Centre Émile-Durkheim (UMR 5116 CNRS, Sciences Po-Bordeaux, université de Bordeaux) et par l’Ifaid Aquitaine, il venait clore un programme de recherche du même nom (projet Essaqui), soutenu par la région Nouvelle-Aquitaine.
Ce colloque s’était donné pour objectif de réfléchir à l’analyse des dynamiques territoriales de l’ESS à la lumière de l’approche en termes de régimes territoriaux. La notion de régime territorial, initialement destinée (en particulier dans les travaux de Jacques Palard) à l’analyse du développement économique territorial, renvoie à trois angles d’observation, appliqués ici à l’ESS : la construction historique de la confiance entre acteurs ainsi que des dispositions à coopérer dans le territoire; la façon dont l’ESS s’inscrit au croisement des régulations économiques et politiques des territoires ; le rôle de l’ESS, enfin, dans la construction des « problèmes publics » territoriaux (au sens de Joseph Gusfield).
La conférence inaugurale de Jean-François Draperi a parfaitement renseigné le premier volet de cette approche, avec une généalogie des quatre séquences historiques des « Républiques d’ESS » depuis le début du XIX e siècle : le temps des utopistes, la macro-république des consommateurs, les indépendances des pays du Sud et la méso-république inter-coopérative. Six panels ont ensuite décliné les logiques d’institutionnalisation territoriales de l’ESS ou, plus exactement, les logiques de travail institutionnel (Lawrence et Suddaby, 2006) à l’œuvre dans des processus d’institutionnalisation, de désinstitutionnalisation et parfois de ré-institutionnalisation de l’ESS dans les champs économique, bureaucratique, politique et scientifique territoriaux.

Polarisations et clusterisations territoriales
Un premier temps a été consacré au croisement de deux processus d’institutionnalisation en France : la loi ESS de 2014 et les différentes lois de réforme territoriale, avec en sus une étude de cas régionale montrant la complexité des processus de coconstruction des politiques d’ESS. Deux panels sont revenus sur les dynamiques de polarisations et de clusterisations territoriales de l’ESS, saisies par des prismes méthodologiques complémentaires : comparaison géographique nationale, comparaison de dispositifs de polarisation (PTCE et Prides en région PACA, pôles de développement de l’ESS en Bretagne), polarisations sectorielles (autour du champ alimentaire à Grenoble), étude de cas sur un PTCE territorial inter-sectoriel (Sud-Aquitaine), articulation entre développement local, coopérativisme et université (KoopFabrika en Pays basque sud).
La comparaison de ces initiatives a mis en évidence la singularité des expériences territoriales et des milieux qui en sont porteurs, tout en repérant les conditions transversales expliquant la consolidation ou, a contrario, l’échec des expériences de constitution de pôles d’ESS.
Deux autres panels étaient centrés sur les dynamiques proprement associatives. Le panel 4 s’est penché sur le rôle des associations dans l’identification des vulnérabilités socio-territoriales comme problèmes publics.
Les communications ont respectivement analysé le rôle des associations d’action sociale dans la fabrique des compromis territoriaux, exploré les dynamiques d’institutionnalisation des associations d’aide aux migrants dans trois villes européennes (Bilbao, Aarhus, Bordeaux) et relu le dispositif Territoires zéro chômeur dans la région parisienne au prisme de la théorie des capabilités.
Le panel 5 a réinscrit la question des initiatives associatives à l’horizon des mobilisations citoyennes, entre militantisme et action publique. Deux présentations en miroir ont analysé un même instrument d’action publique, le Dispositif local d’accompagnement, dans deux régions, alors qu’une troisième communication relisait l’institutionnalisation de mouvements sociaux en dynamiques d’ESS comme réponse à un déficit d’institutions politiques dans le cas du Pays basque nord.
Enfin, un panel « acteurs-chercheurs » a mis en débat la notion de coopération territoriale à la lumière de plusieurs expériences de pôles d’ESS, en Aquitaine pour l’essentiel (PTCE jeunesse et Fabrique Pola à Bordeaux, Cap solidaire-Sud Gironde, PTCE Sud-Aquitaine, Pôle ESS du pays de Redon), et de la politique du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine en matière d’innovation sociale et d’ESS.

Des régularités transposables d’un territoire à l’autre ?
De la richesse de ces échanges, nous retiendrons trois aspects. Premièrement, et sur un plan théorique, le colloque a montré, s’il en était besoin, le caractère heuristique du dialogue entre une géographie sensible aux approches constructivistes du territoire, une sociologie économique des territoires inspirée notamment de l’économie de la proximité et des approches institutionnalistes, une sociologie politique des dynamiques multisca la ires d’institutionna lisation des secteurs et des territoires, et, enfin, une sociologie de la territorialisation des mouvements sociaux. Deuxièmement, les communications ont toutes mis l’accent sur l’imbrication complexe des facteurs économiques mais aussi politiques, sociaux et culturels contribuant à fonder un « milieu », un « terreau » ou un « écosystème » favorable (ou pas) à la coopération. « Il n’y a pas une main invisible qui postule la coopération » : saisie au vol, cette remarque d’une intervenante souligne à elle seule la complexité du travail de territoire porté par des acteurs hétérogènes, tout en l’inscrivant à l’horizon des grands clivages paradigmatiques des sciences sociales.
Enfin, troisième aspect, le croisement des interventions a permis de réfléchir à la tension entre singularité territoriale – « on est sur un territoire très spécifique », autre verbatim récurrent – et repérage de régularités transposables. En ce sens, ce colloque incite à poursuivre un travail de comparatisme déjà entrepris par ailleurs, à l’image de la typologie des territoires de coopération de Jean-François Draperi ou du croisement entre ESS et régulations territoriales proposé par Danièle Demoustier. Autant de chantiers stimulants qui restent largement ouverts.

Xabier Itçaina et Armelle Gaulier