La nomination de Marlène Schiappa, comme secrétaire d’État, est-elle une opportunité pour l’ESS ?

Toute la Recma

  • 2010
    • 2019
    • 2018
    • 2017
    • 2016
    • 2015
    • 2014
    • 2013
    • 2012
    • 2011
    • 2010
  • 2000
    • 2009
    • 2008
    • 2007
    • 2006
    • 2005
    • 2004
    • 2003
    • 2002
    • 2001
    • 2000
  • 1990
    • 1999
    • 1998
    • 1997
    • 1996
    • 1995
    • 1994
    • 1993
    • 1992
    • 1991
    • 1990
  • 1980
    • 1989
    • 1988
    • 1987
    • 1986
    • 1985
    • 1984
    • 1983
    • 1982
    • 1981
    • 1980
  • 1970
    • 1979
    • 1978
    • 1977
    • 1976
    • 1975
    • 1974
    • 1973
    • 1972
    • 1971
    • 1970
  • 1960
    • 1969
    • 1968
    • 1967
    • 1966
    • 1965
    • 1964
    • 1963
    • 1962
    • 1961
    • 1960
  • 1950
    • 1959
    • 1958
    • 1957
    • 1956
    • 1955
    • 1954
    • 1953
    • 1952
    • 1951
    • 1950
  • 1940
    • 1949
    • 1948
    • 1947
    • 1946
    • 1945
    • 1944
    • 1943
    • 1942
    • 1941
    • 1940
  • 1930
    • 1939
    • 1938
    • 1937
    • 1936
    • 1935
    • 1934
    • 1933
    • 1932
    • 1931
    • 1930
  • 1920
    • 1929
    • 1928
    • 1927
    • 1926
    • 1925
    • 1924
    • 1923
    • 1922
    • 1921
    • 1920

La création d’un secrétariat d’État dédié spécifiquement à l’économie sociale et solidaire est en soi un événement, car il y a de nombreuses années que cette fonction n’avait pas été attribuée à titre de charge principale à un ministre ou un secrétaire d’État. Mais derrière cette satisfaction juridique, il faut se poser la question plus générale de l’apport dans le passé des vingt secrétaires d’État ou ministres délégués qui ont été, plus ou moins, chargés de cette fonction depuis 1981.
Le bilan n’est pas toujours positif. En revanche, et c’est là une nouveauté, ils ont pu, jusqu’en 2016, s’appuyer sur une administration dédiée à l’économie sociale et solidaire, ce qui n’est pas le cas de la nouvelle secrétaire d’État, ni d’ailleurs de sa collègue précédente, ce qui explique sans doute le manque d’avancées depuis plusieurs années.

L’histoire débute en 1981
Lorsque Michel Rocard, ministre du Plan et de l’aménagement du territoire, outre ses attributions, demande à être chargé de l’économie sociale. Les termes même « économie sociale » étaient inconnus sur le plan juridique. Pourtant, il existait depuis 1979 une « charte de l’économie sociale » publiée par le CLAMCA, sous la houlette de Georges Davezac, suite à des travaux menés par Michel Rocard et son équipe, dont je faisais partie, avec les principaux responsables des mouvements coopératifs, mutualistes et associatifs qui, jusqu’alors, n’avaient jamais travaillé ensemble.
La préoccupation de Michel Rocard était donc de donner un fondement juridique à l’ensemble de ce secteur. Ce qui fut fait avec la création de la Délégation Interministérielle à l’Économie Sociale (DIES), confiée à Pierre Roussel, conseiller au cabinet du Premier ministre Pierre Mauroy, en décembre 1981. Elle a permis de créer des outils comme l’IDES, de préparer la loi de 1983 qui a établi des ponts entre les diverses législations coopératives.
Après le départ de Michel Rocard comme ministre du Plan, son remplaçant au même ministère, Jean Le Garrec, a continué le travail en lien avec la Délégation qui est demeurée « interministérielle » jusqu’en 1991, puisqu’elle n’était que mise à la disposition du ministre.
Il y eut deux exceptions à ce caractère d’interministérialité : la nomination de Jean Gatel comme secrétaire d’État en charge de l’Économie sociale, et un peu plus tard celle de Guy Hascoët comme ministre délégué à l’Économie solidaire.

1988 : Un premier secrétaire d’État auprès du Premier ministre
En 1988, la nomination de Michel Rocard au poste de Premier ministre et celle de Tony Dreyfus comme secrétaire d’État auprès du Premier ministre sans attribution, auquel a été rattachée la Délégation à l’Économie Sociale, a été un moment essentiel, qui a vu naître plusieurs textes de lois et les premiers Rendez-Vous Européens de l’économie sociale. J’ai été nommé délégué interministériel et grâce à ce secrétariat d’État, la Délégation a retrouvé son caractère interministériel.
C’est là que réside la différence avec la situation d’aujourd’hui. Un secrétaire d’État auprès du Premier ministre n’a pas à sa disposition une administration spécifique pour mettre en œuvre les décisions et les projets qu’il souhaite faire avancer. La Délégation à l’Économie Sociale était cet outil.
Après mon départ en 1992, il a fallu attendre 1998, le gouvernement de Lionel Jospin et la nomination comme délégué de Hugues Sibille, pour retrouver une Délégation active. Certes, Hugues Sibille était placé sous l’autorité de Guy Hascoët, mais comme délégué interministériel il disposait de relais à la fois au gouvernement et dans l’administration centrale. Cela a permis que la Délégation retrouve son caractère interministériel, lui permettant d’aboutir à des projets extrêmement intéressants et qui aujourd’hui encore font la preuve de leur validité.

Une période favorable achevée en 2002, mais une belle loi en 2014
Il a fallu ensuite attendre 2012 et la nomination de Benoît Hamon comme ministre de la Consommation et de l’économie sociale et solidaire pour que de nouvelles avancées aient lieu, en particulier avec le vote de la première loi consacrée à l’économie sociale et solidaire. Le ministre a utilisé à la fois les services de ce qui était encore la Délégation, même si elle n’était plus interministérielle depuis 2010, et l’ensemble des compétences des divers mouvements de l’économie sociale.
Cette loi de 2014 démontre qu’un ministre, s’il s’appuie réellement sur les forces actives de l’administration et des mouvements, peut obtenir des résultats forts intéressants. Il est dommage qu’au cours de cette période, le rôle interministériel de la Délégation n’ait pas été rétabli, car la définition des portefeuilles ministériels et la composition changeante des cabinets ne permettent pas une continuité de l’action administrative.
Le coup de grâce a  été porté en 2016 par le gouvernement d’Édouard Philippe, sous lequel la Délégation n’existait que juridiquement, rattachée à Bercy et dotée d’une administration squelettique, sous la forme d’un simple « bureau » de l’administration des finances. La secrétaire d’État alors en charge de l’économie sociale et solidaire avait également d’autres attributions, et surtout aucune administration de mission pour l’épauler. Le haut-commissaire nommé à cette époque faisait preuve d’une très grande autonomie

Une avancée, à confirmer
Au vu de l’histoire récente, la nomination d’une secrétaire d’État rattachée au Premier ministre constitue à la fois une avancée et un retour en arrière intéressant. Mais faute de disposer de l’administration relais, l’action de la secrétaire d’État risque d’être compliquée, sauf si elle s’appuie sur des institutions déjà existantes comme le Conseil supérieur de l’économie sociale, ou à partir d’un conventionnement précis, sur desorganisations dotées, désormais, de moyens importants comme l’agence Avise ou ESS France, qui peuvent apporter aux actions gouvernementales le soutien dont elles pourraient avoir besoin. C’est le souhait que l’on peut formuler en rappelant cependant qu’aujourd’hui il n’existe plus de Délégation, mais simplement un bureau rattaché au ministère de l’Économie et des finances et qui n’a aucune compétence en termes de création de lois et de décrets. C’est là que se situe la vraie difficulté de la nouvelle secrétaire d’État.

François Soulage
Ancien délégué interministériel à l’économie sociale, avec la collaboration de Marcel Hipszman