Au Cédias-Musée social, un colloque sur l’histoire de l’ESS

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Les 7 et 8 février 2020, le Cedias-Musée social (Paris) organisait un colloque intitulé « Dynamiques, méthodes et perspectives pour l’histoire de l’ESS », avec le soutien de la Comue Paris-Lumières, du CHS (Centre d’histoire sociale des mondes contemporains), du GRHIS (Groupe de recherche d’histoire de l’Université de Rouen), du CHRS-Uqam (Centre d’histoire des régulations sociales de l’Université du Québec à Montréal), de l’Addes (Association pour le développement des données sur l’économie sociale) et du Ciriec (Centre international de recherches et d’information sur l’économie publique, sociale et coopérative). Créée en 1894 par le Comte de Chambrun, sous la forme d’une fondation reconnue d’utilité publique, cette vénérable institution, dédiée dès l’origine à la recherche, a recueilli ces derniers temps les importants fonds archivistiques de différentes familles de l’ESS (FNCC [Fédération nationale des coopératives de consommation], Crédit coopératif, Mutualité française, FNMI [Fédération nationale de la Mutualité interprofessionnelle]), qui sont venus s’ajouter au fonds ancien (1894-1964), classé « archives historiques » depuis 2008. Ainsi que l’a rappelé sa présidente, Dominique Demangel, le Musée social, qui par ailleurs héberge l’Addes et le Labo de l’ESS, est devenu un lieu incontournable où tous ceux qui s’intéressent à la mémoire de l’économie sociale peuvent accéder à des ressources documentaires uniques.

Redynamiser un champ d’études
L’initiative de cette rencontre revient à trois historiens spécialistes de l’ESS (Olivier Chaïbi, Timothée Duverger et Patricia Toucas-Truyen) ayant fait le constat d’un ralentissement des travaux historiques universitaires dans ce domaine depuis une dizaine d’années. Force est de reconnaître que ce champ d’étude semble déserté par les jeunes chercheurs, d’autant que les professeurs enclins à encadrer des thèses de doctorat sur l’histoire de l’économie sociale sont de plus en plus rares, la relève d’André Gueslin, Yannick Marec et Michel Dreyfus n’ayant pas encore vraiment eu lieu. Paradoxalement, les théories et les faits les plus saillants de cette histoire sont régulièrement convoqués par des auteurs d’autres disciplines (économistes, sociologues), mais le plus souvent pour servir d’introduction à un propos plus général.
Les intervenants étaient invités à mobiliser leur réflexion autour de trois thématiques principales, permettant la prise en compte des différentes échelles spatiales et temporelles : la place de l’économie sociale dans l’historiographie et les questions méthodologiques ; les théories de l’économie sociale et leur articulation avec les pratiques sociales ; les liens historiques entre l’économie sociale et les institutions politiques, syndicales et religieuses.
L’intuition de départ a pu se vérifier à la lecture du programme : les contributions des historiens étaient moins nombreuses que celles des sociologues et des économistes. À maintes reprises, les participants ont souligné la richesse de ce croisement disciplinaire, dont la pertinence est indéniable pour appréhender les multiples facettes de l’économie sociale, objet d’étude aux frontières historiques mouvantes. La collaboration entre chercheurs des différentes disciplines apparaît encore plus nécessaire pour l’échange des savoirs méthodologiques. Ainsi, ce colloque a montré clairement que la notion de « source », assez floue chez certains auteurs, gagnerait à être affinée et précisée par l’usage de la méthodologie historienne de l’archive. D’un autre côté, les historiens, qui sont souvent à la peine lorsqu’il s’agit de faire un effort de théorisation – comme l’a rappelé Timothée Duverger en introduction –, pourraient pallier les lacunes de leur formation universitaire en se familiarisant avec les approches sociologiques, économiques et géographiques, ou en acquérant une culture juridique.

Une réflexion sur l’économie sociale dans sa globalité
À côté des études historiques à caractère monographique ou sectoriel (mutuelles, coopératives, associations) portant sur la France ou des expériences étrangères (Italie, Maroc, Belgique, Québec, Russie), certaines présentations étaient nourries d’une réflexion à long terme sur l’économie sociale appréhendée dans sa globalité. Les questionnements récurrents sur l’ESS ont été posés sur le mode oxymorique habituel : collectif/individuel ; émancipation/contrôle ; macro/micro ; utopie/pragmatisme...
Concernant les rapports entre la mutualité, la coopération et le syndicalisme, les divers exemples historiques ont confirmé que les clivages théoriques portés par les ténors des mouvements n’ont jamais empêché les rencontres sur le terrain. Certaines communications ont présenté des formes d’économie sociale (communautés médiévales et icariennes, igoudars marocains...) bien éloignées des corps intermédiaires auxquels nous nous référons selon une tradition bien française qui a cadré, jusqu’à la loi de 2014, avec la définition statutaire de l’ESS. Au demeurant, il n’a guère été question que de l’économie sociale, et non de l’économie sociale et solidaire, un certain recul étant nécessaire pour produire une analyse historique des décennies postérieures aux années 1980. Cependant, une table ronde intitulée « La deuxième gauche et l’ESS » réunissait des acteurs et témoins de l’institutionnalisation de l’économie sociale dans le sillage de l’élection de François Mitterrand en 1981.
L’événement a bénéficié, au cours de ces deux jours, de la présence d’un public assidu et réactif. Les chercheurs spécialistes de l’ESS ont saisi cette occasion rare d’échanger sur des questions d’histoire, tandis que les praticiens ont exprimé leur souhait de voir plus souvent les problématiques de l’ESS ainsi revivifiées par la réflexion historique. Par exemple, des projets de l’ESS considérés comme innovants gagneraient à être analysés au prisme de l’histoire. Il reste à opérer la jonction entre les historiens, qui peinent à cerner le potentiel heuristique de ce champ d’étude, et les responsables institutionnels de l’ESS, invités à ouvrir les archives et à apporter à la recherche historique un soutien logistique dénué de toute intention de l’instrumentaliser dans un but promotionnel.
Il ne s’agit pas seulement, pour les familles de l’ESS, d’opérer un réinvestissement mémoriel, mais aussi de permettre aux historiens de mettre en évidence le caractère pérenne des spécificités du secteur, et d’éclairer ainsi les enjeux actuels et à venir.

Patricia Toucas-Truyen