"Redécouvrir le solidarisme : un enjeu de taille pour l’ESS", Benjamin Chapas (Journal du Mauss)

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B. Chapas pour le Journal du Mauss conclut ce riche article par un constat que l'on ne peut que partager : "en désertant le champ politique, les acteurs de l’ESS se condamnent à n’être que des acteurs de second rang qui se contentent de réparer les dégâts causés par les excès de l’individualisme contemporain dont l’économie dominante se nourrit. "

"A l’heure où les risques contenus dans les conceptions économiques et politiques qui ont prévalu au 20e siècle se font cruellement sentir, la redécouverte de la pensée solidariste constitue une très bonne nouvelle pour tous ceux qui appellent et travaillent à l’émergence d’une « économie sociale et solidaire ». En plus de renouer avec une doctrine qui a joué un rôle important dans la structuration de cette « autre économie » (Azam, 2003), c’est en effet pour eux l’occasion de réaffirmer l’ambition politique d’un mouvement qui est né dans la lignée des mouvements associationnistes du 19e siècle – laquelle ambition est ultimement contenue dans l’idéal moderne d’émancipation des individus (Caillé et Chanial, 2011). Car, on le sait, si les chiffres témoignent de sa bonne santé et que son utilité est le plus souvent reconnue, l’ESS souffre encore à cet égard d’un manque de reconnaissance par rapport à l’économie capitaliste « classique », au sens où ses réalisations n’empêchent pas qu’elle peine à s’affirmer comme un mouvement unifié et capable de renouer avec l’exigence d’universalisation et de transformation sociale qui est au fondement de nos sociétés modernes et démocratiques. Le développement accéléré du domaine des « solidarités volontaires » ces trente dernières années semblant alors se payer au prix d’une incapacité à en désigner les contours autrement que de manière relative et négative, soit en opposition à la croyance que la seule organisation économique efficace et légitime est celle qui fait droit aux mobiles de l’intérêt individuel et passe par le détour exclusif du marché (Caillé, 2003 et 2005). 

Aussi, c’est précisément parce que le solidarisme est une pensée politique qui a inscrit l’exigence d’émancipation des individus au fronton de son temple qu’il nous a semblé opportun de voir si, de son épure théorique, on ne pouvait dégager quelques « prises » permettant de se doter d’une acception plus « positive » de l’ESS. Notre objectif étant de faire ainsi un pas un pas vers la constitution de cette « théorie générale de l’ESS » sans laquelle, comme le pense Draperi (2011), le projet sociopolitique qui la fonde risque de ne jamais être pris au sérieux autrement que par ceux qui s’en font les promoteurs. Tel est le point de départ de notre travail dans lequel, en d’autres termes, nous tenterons de montrer que la pensée solidariste pourrait bien être l’un des supports doctrinaux dont l’ESS a besoin pour exister autrement que sous la forme d’une « sous-économie » (Laville, 2011). L’enjeu étant cependant « modeste », en ce sens que nous n’avons pas la prétention de dire exactement ce qu’une théorie de l’ESS devrait être, mais plutôt celle de tracer un « sillon heuristique » qui lui permette d’assumer sa dimension idéologique avec davantage de vigueur et, surtout, de confiance dans son pouvoir de transformation.

Pour ce faire, et à l’aide de nombreuses citations, nous nous appuierons souvent sur la contribution de Serge Audier (2010) qui, en se proposant d’exhumer les textes qui sont au fondement du solidarisme, permet de saisir un peu mieux la cohérence et l’originalité de cette « philosophie officielle de la troisième république » – comme se plaisait à l’appeler Célestin Bouglé, l’un des principaux théoriciens du solidarisme (Bouglé, 1907) [1]. Laquelle est sans doute la doctrine qui, tout en demeurant inscrite dans un régime économique capitaliste, est allée le plus loin dans la définition d’un programme politique, social mais aussi juridique qui soit à même de parer aux inhumanités de la libre concurrence et du « tout marché ». Pour nous, l’objectif sera plus précisément de revenir sur les notions de « dette sociale » et de « quasi-contrat » qui structurent la pensée solidariste par-delà diverses variantes, et cela afin de montrer qu’elles fondent une conception du « vivre ensemble » très proche de celle qui sous-tend – au moins implicitement – l’ESS. L’hypothèse selon laquelle les individus naissent tous « débiteurs » fondant une conception du lien social qui, à travers la place qu’elle ménage à l’idée que la liberté des individus s’accompagne toujours d’un devoir social, correspond assez bien au code de références normatives et axiologiques qui sous-tend l’ESS (section 1). Partant, nous pourrons alors défendre l’idée que, par rapport au déficit politique qui la frappe, l’ESS gagnerait à réapprendre des théoriciens solidaristes les conséquences qu’ils tiraient de leur façon de concevoir le lien social comme étant le produit d’un couplage entre « individualisme » et « coopération », en particulier quant aux appels qu’ils faisaient en faveur d’une « socialisation de la personne » (section 2)."

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