"Pour définir l’ESS, la loi a davantage écouté la pensée des écoles de commerce que les économistes"

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Une tribune d'Hervé Defalvard pour la Chaire ESS de Marne-la-Vallée  [...] "Pour définir l’ESS, la loi a davantage écouté les chefs d’entreprise et la pensée des écoles de commerce que les économistes. Il en résulte un réductionnisme qui fait de l’ESS un autre mode d’entreprendre et non une autre économie. Ce biais tient moins d’ailleurs à un parti pris des concepteurs de la loi que de l’inintérêt des économistes pour l’ESS (voir l’étude de Ph. Frémeaux, 2013), qui explique ce rendez-vous manqué. Une économie, quelle qu’elle soit d’ailleurs, ne peut pas être définie par ses seules organisations productives.

Une économie est constituée par les relations (complexes) entre la production et la consommation. De la forme sociale de ces relations dépendra la nature du système économique, libéral, social-démocrate, socialiste, etc. Les comportements productifs sont largement façonnés par le type d’économie dans lequel ils se déploient. Ainsi, dans une économie du partage comme celle des domaines agricoles à Athènes à l’âge classique, la maximisation du profit ne fait pas sens. Dès lors que sa définition renvoie à une forme particulière d’économie, la question n’est plus de savoir si le Crédit Agricole, à côté d’Emmaüs, fait aussi partie de l’ESS.

Elle est de savoir où passe la frontière entre la finance de marché et la finance solidaire, car l’une et l’autre ne concourent pas à établir les mêmes liens entre la production et la consommation. Si une autre façon d’entreprendre, non exclusivement tournée vers la maximisation des profits pour les actionnaires, à la Milton Friedman, fait bien partie de la définition de l’économie sociale et solidaire, cela n’en constitue pour l’économiste qu’une pièce seconde. La première pièce porte sur le mode des relations économiques, qui ne peut être pour l’ESS, la libre concurrence où les prix s’ajustent afin d’égaliser l’offre et la demande. Elle ne peut être cette « économie des économistes » dont parlait Vienney (1994) pour laquelle la production et l’accès aux biens et services dépendent de la concurrence.  Si la loi fait reposer l’ESS sur un autre mode d’entreprendre, nous trouvons néanmoins dans ses articles, dispersées çà et là, quelques indications sur l’autre économie dont l’ESS se veut porteuse. L’alinéa 2 de l’article 2 parle de « développement du lien social », de « maintien et de renforcement de la cohésion territoriale », l’article 5 dans son alinéa 1 aborde « les pôles territoriaux de coopération économique », évoque leur « stratégie commune au service de projets porteurs de développement durable », l’article 49 alinéa 3 entend favoriser une « gestion des déchets à proximité de leur point de production » ainsi que « les emplois induits par cette gestion ». Ces éléments esquissent une autre économie des territoires et une autre économie de la filière déchet. En grossissant et généralisant le trait, l’économiste dessinera l’ESS sous la forme d’une économie de la coopération sur les territoires et dans les filières à condition qu’elle ait la force de les structurer. Cette économie ne supprime ni l’intérêt privé ni le marché, mais conditionne leur jeu à des régulations coopératives à même d’assurer la réalisation d’objectifs communs. Le projet de loi sur l’ESS souffre d’un réductionnisme. Que le tir soit redressé, lors de sa discussion parlementaire ou lors de la mise en oeuvre si la loi est votée, dépend de notre capacité à imaginer de nouvelles régulations plus coopératives de l’économie."

L'intégralité du Point de vue d'Hervé Defalvard (9 novembre 2013)