In Memoriam : Hommage à Danièle Demoustier

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Nadine Richez-Battesti, Amélie Artis, Marie J. Bouchard et Xabier Itçaina ainsi que l’ensemble du comité de rédaction de la RECMA.

Danièle Demoustier nous a quitté le 7 février 2023. Chacun.e d’entre nous gardera en mémoire la qualité des échanges qu’elle savait nouer, sa simplicité et sa rigueur. Sa contribution à la reconnaissance et au développement de l’économie sociale et solidaire (ESS) a été remarquable sur différents aspects.

La recherche
Sa formidable érudition sur le champ, particulièrement sur les coopératives et les coopérations, et sa fine connaissance des réalités de terrain en faisait une intervenante précieuse. Infatigable, elle n’hésitait pas à se déplacer pour participer à un atelier, une conférence. Ses ouvrages et articles ont marqué la communauté des chercheurs, comme ses interventions lors des colloques, toujours incisives et étayées. Défenseuse d’une recherche appliquée, elle faisait de ces allers-retours avec le terrain le cœur d’une connaissance fine, sans cesse débattue et toujours transmise. Questionnant les pratiques tout autant que les écrits des chercheurs, curieuse et attentive, elle forgeait un savoir érudit.
Membre du comité de rédaction de la RECMA, elle a nourri la revue de ses articles et de précieuses remarques, critiques et propositions d’amélioration sur les articles proposés.
Danièle était engagée sur différent chantiers, celui des coopératives particulièrement, mais aussi ceux des Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), des associations, de la formation, du développement du territoire, à Grenoble, à Tarnos, à La Réunion ou ailleurs. Depuis sa thèse sur les SCOP, dont elle tirera un Repères de référence en 1984 (Les coopératives de production, La Découverte), Danièle n’aura de cesse de remettre sur l’ouvrage une conception exigeante de la recherche-action. L’approche qu’elle « tiendra » tout au long d’innombrables séminaires, ateliers, colloques et publications, s’attachera à éviter les trois écueils qui guettent les travaux sur l’ESS : la position consistant à rabattre en permanence l’ESS sur son caractère supposé marginal au regard de l’économie conventionnelle mais aussi l’idéalisation militante ou encore, à l’inverse, la dénonciation sans reste des « dérives » de l’ESS. En a résulté une pensée complexe qui, ces dernières années, s’est en particulier exprimée sur la question des dynamiques territoriales. Pour Danièle, les trajectoires des expériences d’ESS ne prenaient sens qu’au carrefour de régulations économiques et politiques territoriales sinueuses, hétérogènes et parfois contradictoires. Ses travaux sur l’ESS et les régulations territoriales dans quatre zones d’emploi en région Rhône-Alpes (Géographie, Economie, Société, 2010) ou encore ses travaux sur la façon de « faire territoire par la coopération » dans les PTCE témoignent, entre autres, de cette finesse d’analyse mais aussi des questionnements d’une pensée en mouvement. À cet égard, son compagnonnage avec les acteurs de terrain explique sans doute une distance critique à l’égard de tout modèle théorique à la vertu explicative à première vue évidente. Danièle brandissait toujours le contre-exemple issu de telle expérience ou de tel territoire, et qui venait défier toute lecture mécaniste. L’écriture qui en résultait était complexe mais surtout affranchie des carcans disciplinaires, scientifiquement et socialement sincère et toujours soumise aux aspérités du terrain.

Son engagement grenoblois
Elle était aussi une remarquable pédagogue, avec un vrai talent de transmission Elle avait créé à Grenoble l’une des premières formations à l’ESS, à l’IEP dès les années 1990. Pour elle, la formation à l’ESS soulevait deux enjeux majeurs. Le premier était de former et diplômer les salariés de l’ESS  afin de favoriser la reconnaissance des acquis de l’expériences et outiller les structures pour assurer leur développement en cohérence avec le projet politique de l’ESS. Le second était d’informer, de sensibiliser et de former les jeunes étudiants à l’ESS afin d’accompagner de nouveaux talents vers l’ESS mais aussi de développer une connaissance de base de l’ESS pour toutes et tous. Pour elle, la formation en ESS devait être active, reconnaitre tous les savoirs et faire le lien entre la pratique et la théorie. De plus, elle soulignait l’importance de comprendre les tensions internes de chaque  organisation de l’ESS dans sa trajectoire historique comme d’analyseret d’anticiper les  tensions avec l’environnement institutionnel de l’ESS. La formation à l’ESS était aussi intergénérationnelle et sans distinction entre les jeunes en formation et les salariés en poste, considérant que le partage de connaissances entre pairs était autant important que la formation académique. L’utilisation de l’histoire de l’ESS et de ses organisations était le moyen de commencer ce voyage  initiatique.

À l’international
Les travaux de Danièle ont rayonné à travers la planète « économie sociale et solidaire ». Animatrice et leader scientifique au CIRIEC-France et au CIRIEC International, elle a développé des collaborations entre autres au Québec avec des membres du CIRIEC-Canada. Son ouvrage L’économie sociale et solidaire, s’associer pour entreprendre autrement (La Découverte 2001) sera marquant, montrant  la complémentarité des courants théoriques et leur inscription dans différentes critiques des logiques économiques. Sa forte compréhension des dynamiques de l’économie sociale et solidaire nourrira les analyses et illustrera la spécificité française dans la comparaison internationale :
- Des pays européens : Les entreprises et organisations du Troisième système et emploi, (CIRIEC 2000) ; L’économie sociale dans l’union européenne, (CIRIEC 2008, 2012, renouvelée 2017) ;
- Des politiques publiques : L’émergence de l’économie sociale dans les politiques publiques (co-dirigé avec R. Chaves, Peter Lang 2013) ;
- De la mesure statistique : The Construction of Social an Solidarity Economy Statistics in France : A Progressive Mobilization of Very Diverse Actors (avec E. Braley, T. Guérin et D. Rault dans The Weight of the Social Economy, Peter Lang 2015) ;
- Des innovations en développement territorial : le colloque franco-québécois sur L’économie sociale et le développement local (L’Harmattan 2004) ; Territorial Clusters of Economic Cooperation. New Levers for Local and Regional Regulation? (dans Social and Solidarity-based Economy and Territory (Peter Lang 2018).
Ces quelques exemples ne sont qu’illustratifs de l’étendue et de la richesse de sa contribution, qui continuera d’inspirer la recherche et la comparaison internationale.

Elle était connue et appréciée pour son franc-parler : grande compétence, regard critique aiguisé, elle savait mettre ses compétences au service de tou.te.s : ses étudiants qu’elle formait avec rigueur et enthousiasme, ses collègues avec lesquel.le.s elle prenait plaisir à débattre, les praticiens qu’elle accompagnait.

Femme d’exception, elle laisse un grand vide. Et c’est aussi une amie que nous avons perdue.