L’entreprise sociale cherche à structurer son réseau en Asie du Sud-Est

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Coorganisée par le Conseil de la recherche en sciences humaines et sociales du Canada, l’Université de Calgary et l’Université royale de Phnom Penh, la conférence « Promoting vibrant social entrepreneurship » (« Promouvoir un entrepreneuriat social dynamique ») qui s’est tenue à Phnom Penh, au Cambodge, du 22 au 24 mai 2017, a réuni une soixantaine de participants, universitaires et praticiens, principalement anglo-saxons (notamment canadiens) et asiatiques. La conférence avait un double objectif. D’une part, réunir des chercheurs, praticiens, acteurs gouvernementaux, formateurs pour présenter leur expertise de l’entrepreneuriat social. D’autre part, initier la mise en place d’un réseau sud-est-asiatique pour le développement de la recherche, le soutien aux pratiques innovantes, la défense de politiques publiques adaptées, la mise en place de formations et de cursus universitaires dédiés, etc.,
en matière d’entrepreneuriat social. La conférence a d’ailleurs été suivie d’un séminaire de réflexion consacré aux conditions de mise en place d’un tel réseau.
De manière classique, la conférence était déclinée en sessions plénières et parallèles. Sous le titre « Insights from big pictures initiatives » (« Aperçu des principales initiatives »), l’une des plénières était centrée autour du projet Icsem (International Comparison of Social Enterprise Models), que codirigent depuis quelques années Jacques Defourny (Université de Liège) et Marthe Nyssens (Université de Louvain).
Ce fut l’occasion de découvrir le projet de comparaison des formes d’entreprise sociale associant les pauvres en Asie du Sud-Est que coordonne Lisa Dacanay (voir son article sur l’entreprise sociale aux Philippines dans le n° 342 de Recma) et de présenter le projet Icsem lui-même, à travers une perspective transversale proposée par Jacques Defourny et des contributions nationales sur les modèles d’entreprise sociale en Corée (Éric Bidet), au Cambodge (Isaac Lyne et Sothy Khieng) et au Vietnam (Thang Truong Nam).

 

Des concepts et des écosystèmes hétérogènes

La conférence comportait deux autres sessions plénières – l’une consacrée aux réalités et inspirations régionales en matière d’entrepreneuriat social, l’autre aux opportunités de collaboration internationale –, ainsi qu’une quinzaine de sessions parallèles, qui ont donné lieu à une cinquantaine de présentations de la part d’universitaires et de praticiens sur des thèmes aussi divers que la microfinance, le développement communautaire, l’innovation sociale, la place de l’entreprise sociale dans les programmes de formation, l’impact social, la gouvernance ou les contours et les éléments d’un écosystème propice à l’émergence et au développement de l’entrepreneuriat social. On remarquera l’absence, dans ce programme, du mot « coopérative »... Le tout formait un ensemble assez hétérogène, n’échappant pas toujours au défaut de vouloir mettre en avant telle ou telle expérience exemplaire mais en réalité assez peu représentative ni aisément déclinable dans un contexte différent. Cet ensemble bigarré avait néanmoins le mérite d’offrir une vue assez large des formes concrètes et/ou des conceptions de l’entreprise sociale dans des pays tels que le Cambodge, le Vietnam, les Philippines, la Thaïlande, le Laos, la Malaisie, l’Inde, Singapour ou la Birmanie.
De ces présentations, il apparait important de faire ressortir deux traits. Le premier, propre à la plupart des pays présents, tient à la place essentielle des acteurs internationaux en matière d’impulsion et de financement des entreprises sociales, que ce soit à travers des ONG internationales, des fondations, des entreprises, des agences gouvernementales étrangères liée à l’aide internationale (comme la Koica sud-coréenne ou le British Council britannique) ou tout simplement à travers les ressources marchandes tirées d’une clientèle étrangère drainée notamment par le tourisme, dont la plupart de ces pays ont fait une de leurs activités économiques principales. Ces  acteurs internationaux semblent jouer, dans beaucoup de ces pays, un rôle finalement assez comparable à celui assumé en Europe par les pouvoirs publics, et ils constituent en tout cas une source de financement et de légitimité essentielle, si ce n’est la plus importante, pour beaucoup d’entreprises sociales locales. Le second trait concerne la différence de perspectives séparant, d’une part, des projets qui essayent d’inventer des réponses sur mesure adaptées aux exigences du contexte à partir de besoins constatés sur le terrain (c’est le cas, par exemple, de « Friends International » au Cambodge, de « Will to Live » au Vietnam ou du projet porté par la communauté Kudi Khao en Thaïlande) et, d’autre part, des projets qui s’attachent à apporter une réponse « par le haut » à des besoins sociaux à partir de méthodes éprouvées dans le monde de l’entreprise, qu’elles considèrent comme une solution appropriée et de portée universelle.
Si ces derniers projets retirent une certaine légitimité de leur impact social – notamment l’augmentation des revenus ou l’accès à des services socio-sanitaires, à la formation ou à l’emploi pour des catégories en situation difficile –, certaines expériences ne parviennent pas toujours à lever des ambiguïtés quant à la dimension participative de leur gouvernance (certains projets portés par des entrepreneurs étrangers ou formés à l’étranger n’affichent pas un souci particulier d’associer l’ensemble des parties prenantes), leur éthique fiscale (certaines structures développent leurs activités en Asie du Sud-Est à partir d’un siège social basé à Hong-Kong, paradis fiscal bien identifié sur la scène mondiale) ou leurs modalités de répartition des bénéfices (beaucoup d’expériences n’ont pas de règles statutaires quant à la répartition de leurs excédents).

 

Vers un réseau de recherche structuré ?

Intéressante par les expériences concrètes qu’elle permettait de mieux connaître, la conférence – qui réunissait beaucoup d’intervenants semblant peu familiers des concepts d’entreprise sociale, d’ESS, de gouvernance démocratique ou d’innovation sociale – n’a pas apporté d’enseignements réellement nouveaux au plan conceptuel ni paru constituer une avancée décisive vers la définition, en Asie du Sud-Est, d’un large consensus conceptuel et méthodologique, faute de pouvoir s’appuyer sur un socle de connaissances et de recherche commun à l’ensemble des participants.

L’événement constitue néanmoins un premier pas vers la possible formalisation d’un réseau de formation et de recherche sud-est-asiatique consacré à l’entreprise sociale, ce qui était visiblement son objet principal. Il sera intéressant de voir, dans les prochaines années, si cette initiative permettra de susciter des collaborations ou des concertations entre les pays concernés et de mettre en œuvre une démarche de comparaison internationale de l’entreprise sociale en Asie du Sud-Est.

Éric Bidet