La 6 e édition de l’Université coopérative portative travaille sur l’intercoopération et célèbre la Recma

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Inspiré par l’Université coopérative internationale (UCI) d’Henri Desroche, créée lors des indépendances des pays du Sud dans les années 1960, ainsi que par le Théâtre national populaire de Jean Vilar, qui a permis à un large public de rencontrer le théâtre sans transiger sur l’exigence de qualité, Yves Cariou a imaginé l’Université coopérative portative (UCP), il y a neuf ans, comme un projet d’éducation populaire et d’émancipation. Le principe de cette université éphémère est simple : rassembler, l’espace d’une journée, quelques dizaines de coopérateurs et coopératrices de toutes les familles et de tous les territoires de France, pour échanger autour d’une question commune. À chaque fois, c’est une nouvelle coopérative qui accueille la rencontre : Fermesde Figeac en 2012, l’Université au champ de la Fédération nationale des Cuma en 2013, la Mutuelle des Pays de Vilaine en 2015, les Salines de Guérande et Macoretz en 2019.
Ce mardi 6 juillet 2021, c’est Comme un établi, jeune coopérative rennaise, qui a accueilli les participants. Cette société coopérative d’intérêt collectif (Scic) réunit des artisans professionnels (et bientôt des particuliers) qui mutualisent des espaces de travail, des  machines à bois et à métal, l’achat de fournitures, mais aussi des repas, de l’humour et sans doute quelques clients. Une quarantaine de personnes formant un bel échantillon de la diversité et de l’innovation sociale du mouvement coopératif s’étaient déplacées, venant de sociétés coopératives et participatives (Scop), de coopérative d’activités et d’emploi (CAE), de Scic, de coopératives agricoles, bancaires, de consommation, loi 1947… En effet, l’organisation en silo du mouvement coopératif français fait parfois oublier à ses membres qu’ils ont en commun un certain rapport au monde qui se traduit en valeurs, principes, pratiques, et donc en problématiques communes. L’UCP le prouve depuis près de neuf ans en réunis- sant des personnes d’horizons très variés qui parlent le même langage et peuvent aller plus loin dans leurs réflexions.

Déjouer le capitalisme « humaniste »
Pour cette sixième édition, l’UCP s’inscrivait dans la célébration du centenaire de la Recma et avait choisi pour thème l’intercoopération, sixième des sept principes coopératifs. Jean-François Draperi, rédacteur en chef de la Recma, était invité pour en discuter. Les participants ont pris le temps de faire connaissance, puis découvert, en petits groupes, l’écosystème rennais d’accompagnement de l’entrepreneuriat collectif (Élan créateur, Tag 35, la Nef, le Cric et bien sûr Comme un établi) et enfin partagé un repas coopératif, biologique et équitable préparé par des cuisiniers d’Élan créateur. Puis Jean-François Draperi a pris la parole pour présenter la thèse qu’il développe dans son dernier ouvrage, Ruses de Riches (Payot, 2020) : le capitalisme « humaniste » est la nouvelle forme de capitalisme, qui s’érige en sauveur des désordres du monde qu’il a lui-même créés pour mieux partir à la conquête de nouveaux marchés dans l’action sociale et  l’environnement, au Sud comme au Nord. De telles évolutions se font au détriment des actions menées par les acteurs de l’économie sociale, en particulier les associations de ces territoires. Une fois les « ruses » du business social décryptées, la discussion a porté sur les pratiques que les « petits malins » de la coopération peuvent mettre en place pour prévenir de telles dérives et lutter contre elles. L’occasion, pour Jean-François Draperi, de soumettre son hypothèse sur le sens et le rôle que peut jouer l’intercoopération. Rappelons que l’intercoopération, ou coopération entre les coopératives, prévoit que celles-ci « servent leurs membres le plus efficacement possible et renforcent le mouvement coopératif en collaborant via des structures locales, nationales, régionales et internationales » (déclaration de 1995 de l’Alliance coopérative internationale). Jean-François Draperi a rappelé le contexte historique dans lequel ce principe s’est forgé : la recherche de formes de relations déjouant les logiques de concurrence entre coopératives de consommateurs et coopératives agricoles au début du XX e siècle. Ainsi, l’intercoopération est apparue en lien avec la spécialisation des coopératives.

Explorer les pratiques de l’intercoopération
Ensuite, Jean-François Draperi a formulé son hypothèse : plutôt que de se situer au niveau des coopératives lorsque l’on parle du sixième principe, ne faudrait-il pas se focaliser sur les personnes ? En effet, partant de sa pratique de l’autobiographie raisonnée, il a remarqué que de coopérateurs et coopératrices sont membres de nombreuses organisations de l’économie sociale et pratiquent ainsi l’intercoopération au quotidien sans s’en rendre compte.
Dans le bel échange qui a suivi l’énoncé de cette hypothèse, un participant a souligné l’enjeu de ne pas opposer ces deux lectures de l’intercoopération et de continuer à explorer les pratiques mises en place pour faciliter les échanges entre coopératives – comme la circonscription territoriale 1 ou l’apport total 2 des coopératives agricoles et d’entrepreneurs. Un autre a mis en avant le risque de « participationnite » dont parle Desroche dans Le Projet coopératif et qui a pour conséquence l’affaiblissement des assemblées générales. Les Cuma ont présenté leurs travaux sur l’intercoopération silencieuse développée par les agriculteurs à l’interface de plusieurs organisations collectives, pour relever notamment les défis agroécologiques, soulevant la question de l’accompagnement de cette intercoopération. Partant de l’histoire de sa propre coopérative, un coopérateur paludier s’est interrogé sur les moteurs de la coopération faisant le constat qu’il avait était plus facile de coopérer dans un contexte de nécessité, l’alternative étant la fin de leur activité de paludier, que dans le contexte actuel de prospérité justement lié au succès de l’intercoopération passée.
L’échange s’est ensuite focalisé sur l’importance de l’éducation des membres, cinquième des principes coopératifs, au cœur de la relation entre la coopérative et la personne coopératrice. La traduction de l’hypothèse de Jean-François Draperi a abouti à l’importance de relier ces deux principes – intercoopération et éducation. Pour le rédacteur en chef de la Recma, un immense travail d’inventaire des pratiques d’éducation, en particulier dans la vaste famille des coopératives de consommation qui ont beaucoup innové en matière d’animation et d’éducation des membres, est à mener. Or tout ou presque reste à faire. Il n’existe ni bibliothèque ni maison des études coopératives. Et le mouvement coopératif laisse trop souvent le champ libre au capitalisme « humaniste » pour développer des chaires d’enseignement dites d’ESS mais qui se résument à l’enseignement du business social.
Ainsi, pour Jean-François Draperi, et contrairement à la position d’Henri Desroche, la coopération doit s’institutionnaliser pour asseoir et développer ses pratiques d’éducation et d’émancipation. Voilà de quoi nous inspirer pour le choix du thème d’une prochaine UCP !

Romain Vassor

(1) Au moment de sa création, une coopérative agricole est soumise à un agrément qui délimite l’espace géographique dans lequel elle va pouvoir exercer ses activités et donc dans lequel devront se situer ses associés coopérateurs.
(2) Les coopératives agricoles prévoient qu’un associé-coopérateur engagé pour un produit agricole s’engage à livrer à sa coopérative l’intégralité de la quantité produite sur son exploitations. Les dérogations à ce principe sont néanmoins de plus en plus fréquentes. De la même façon, les entrepreneurs salariés associés en coopérative d’activité et d’emploi s’engagent à mener l’intégralité de leur activité entrepreneuriale au sein de leur coopérative.