Fondaction. Un fonds pleinement engagé dans la finance socialement responsable

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Sous la direction de Benoît Lévesque, Presses de l’Université du Québec, 2018, 438 p. rémunérés,

Selon un découpage chronologique, les quatre premiers chapitres formant la première partie de cette monographie, rédigés par Benoît Lévesque, retracent la genèse puis l’histoire de ce fonds sur trois sous-périodes. L’innovation sociale vient souvent du Québec, et c’est encore le cas avec cet ouvrage, semi-collectif car Benoît Lévesque en a écrit les deux tiers. Il s’agit d’une monographie sur Fondaction, le fonds de développement pour la coopération et l’emploi de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), né en 1995 sous l’impulsion de Léopold Beaulieu, militant syndical et coopératif et entrepreneur socialement responsable. Comme les autres fonds de travailleurs créés par les syndicats québécois, Fondaction met en relation l’épargne-retraite volontaire des travailleurs et le financement de PME créatrices d’emploi et soucieuses de l’environnement. Pour Benoît Lévesque, Fondaction est une innovation en matière de finance socialement responsable caractéristique du modèle québécois de deuxième génération, celui qui a succédé à l’État-providence, parce qu’il est à l’initiative de la société civile. L’État québécois, cependant, soutient l’épargne-retraite en lui accordant un crédit d’impôt. Au début des années 2000, il y avait au Canada une cinquantaine de fonds de retraite de travailleurs, mais, dans les provinces anglophones, ils ont été gérés comme les fonds de pension des États-Unis, selon une logique purement financière. Certains ont été victimes de fraude, et la plupart ont cessé définitivement leurs activités pendant la crise financière.

Fondaction constitue paradoxalement un succès durable, attribué, d’une part, au contrôle effectif des salariés actionnaires du fonds et, d’autre part, à l’absence de courtiers rémunérés, remplacés par des travailleurs bénévoles qui assurent la promotion du fonds. Selon un découpage chronologique, les quatre premiers chapitres formant la première partie de cette monographie, rédigés par Benoît Lévesque, retracent la genèse puis l’histoire de ce fonds sur trois sous-périodes.

Un fonds autogéré porteur de croissance
Le temps de gestation de Fondaction a été long : plus d’une dizaine d’années avant sa création en 1995. L’idée longuement discutée d’un fonds autogéré par les travailleurs s’inscrit dans une tradition d’engagement de la CSN dans la coopération et une perspective de socialisme autogestionnaire. La CSN elle-même est, à l’origine, une confédération de syndicats catholiques, déconfessionnalisée en 1960, qui recherche des moyens d’intervention économique tout en défendant les droits des travailleurs. Précédé de quelques tentatives avortées, Fondaction se heurte dès le début à une double résistance : celle, en interne, des militants engagés dans un syndicalisme de combat et celle, en externe, du gouvernement libéral, qui refuse de délivrer les autorisations nécessaires à la création du fonds.
La période de démarrage de Fondaction (1995-2000) est marquée par un engagement intense des salariés et des partenaires de la CSN. La structure de gouvernance choisie est légère, et la principale activité, durant ces années, est le lancement de la souscription, avec pour objectif d’atteindre 100 millions de dollars canadiens d’actifs, ce qui advient en 1999. En 2000, les deux tiers des 30 000 actionnaires sont membres de la CSN, les autres étant syndiqués ailleurs ou non syndiqués.
La croissance des actifs et des investissements est continue durant la période suivante (2000-2010), mais elle s’infléchit sous l’effet de la crise financière, et les rendements sont inférieurs aux attentes : ils sont négatifs pour Fondaction, mais positifs pour les épargnants actionnaires, grâce au crédit d’impôt. Les investissements se partagent entre le soutien direct à de petites entreprises – appartenant plus souvent qu’au démarrage à l’économie sociale – et les placements dans des fonds partenaires. Avec l’apprentissage d’un métier complexe, cette période est marquée par un renforcement de la gouvernance participative et un souci accru de l’environnement.
La période la plus récente (2010-2016) est caractérisée par une croissance modérée, plus faible qu’auparavant, et par des rendements positifs et moins instables. L’actif net de Fondaction atteint 1,5 milliard de dollars canadiens en 2016, le nombre d’actionnaires est de 130 000 et le pourcentage d’actionnaires sans appartenance syndicale dépasse désormais celui des membres de la CSN.
L’investissement à impact économique dans un millier d’entreprises québécoises dépasse le milliard de dollars canadiens à cette même date. Les secteurs d’investissement privilégiés sont les services et les technologies avancées.

Un impact social et environnemental positif
La seconde partie de l’ouvrage, moins descriptive et plus analytique, porte d’abord sur le positionnement de Fondaction dans la finance socialement responsable, puis sur son impact direct ou indirect sur l’économie du Québec. Le chapitre 5 est rédigé par Marie-France Turcott et son équipe de chercheurs, qui ont analysé le contenu des rapports de Fondaction sur le développement durable et réalisé une série d’entretiens. Ils montrent que les gestionnaires de ce fonds privilégient l’impact social et environnemental plutôt que le rendement économique, alors que les entreprises standard se servent généralement de la RSE (responsabilité sociale des entreprises) comme soutien au rendement financier.
Le dernier chapitre, écrit par Gilles Mourque, entend mesurer autant que faire se peut l’impact socio-économique des vingt années d’activité de Fondaction. La principale externalité positive est sans doute la viabilité d’une entreprise financière autogérée, qui favorise la coopération et la participation, enrichit le capital-risque et contribue donc à la biodiversité financière. Les retombées économiques ont été croissantes, puisque Fondaction créait 7 emplois par million de dollars d’actifs en 2000, et 22 en 2015. Les entreprises de l’ESS ont bénéficié de 23 % de ses investissements, et les entreprises de technologies propres ont été privilégiées, tels la Coop Carbone et le Fonds Biomasse Énergie.
Quels enseignements peut-on tirer en France de cette expérience québécoise ? Certes, on peut dire que le rôle joué par Finansol et certaines banques coopératives ressemble à celui de Fondaction au Québec. Mais le plus intéressant réside dans la prise de conscience des syndicats de leur rôle économique potentiel, qui leur a permis de «sortir des logiques antagonistes stériles et de cheminer vers de nouveaux compromis satisfaisants pour tous».
L’autogestion syndicale a connu des échecs, mais Fondaction montre que le succès est possible avec une gouvernance solide et participative.

Édith Archambault