Valeurs coopératives et nouvelles pratiques de gestion

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Aude Deville, Éric Lamarque et Géraldine Michel (dir.), EMS Management et Société, coll. « Gestion en liberté », 2020, 264 pages

Cet ouvrage collectif s’inscrit majoritairement dans le domaine des sciences de gestion. Il est composé de deux parties divisées respectivement en six chapitres rédigés par des spécialistes des coopératives. Outre les trois coordinateurs, on trouve les signatures de Sandrine Ansart, Amélie Artis, Julien Batac, ou encore Stéphanie Chatelain-Ponroy, Philippe Eynaud et Melissa Boudes, Christophe Maurel, Damien Mourey, Virginie Monvoisin, Gilles Paché... Sans citer tous les auteurs, relevons le choix d’associer de jeunes doctorants à la rédaction de certains articles et de valoriser ainsi leur travail doctoral. Notons aussi l’intérêt accordé aux démarches méthodologiques et au recueil d’informations sur le terrain, qui constituent un élément récurrent de ces contributions.
La première partie du livre concerne les valeurs des coopératives, une singularité qui questionne les principes de la prise de décision et de la gouvernance, tandis que la seconde porte sur les pratiques de gestion dans les coopératives : un modèle pour l’ensemble des organisations. Le titre de l’ouvrage reprend donc explicitement ce découpage. Les coordinateurs affichent leur volonté d’entrer dans l’analyse par le champ des valeurs et de leurs effets sur la gouvernance et la stratégie, d’une part, et les pratiques de management, d’autre part. Ce choix n’est pas neutre : il est à relier au regain d’intérêt pour les valeurs coopératives qui traverse les organisations du secteur depuis plus de dix ans et, sur un plan plus général, à l’enjeu, pour les entreprises, d’affirmer un engagement sociétal, en lien avec la reconnaissance des entreprises à mission par la loi Pacte. Mais ce choix est également risqué, car la référence aux valeurs peut apparaître incantatoire pour certains. La force de l’ouvrage, dans la diversité de ses articles, est alors de montrer comment ces valeurs coopératives sont à l’origine de choix stratégiques dans lesquels les dimensions de proximité, de responsabilité sociétale ou de dynamiques de coopération et de réseaux sont centrales.
Ces valeurs s’incarnent aussi dans des pratiques de gestion originales. Les articles portent tout autant sur les ressources humaines (RH) que sur la gestion des connaissances, l’identité de la marque, les systèmes d’information ou l’évaluation de la performance en lien avec les principes de l’accountability, ou encore les différentes formes de répartition des excédents. Cependant, pour montrer l’originalité de ces pratiques, souvent issues d’observations réalisées à partir de cas, il serait nécessaire de les mettre plus systématiquement en perspective, notamment à travers des approches comparatives, ainsi que le font d’ailleurs Julien Batac et Salma Elkaoukabi dans le chapitre 2, consacré à une comparaison entre banques coopératives et « commerciales », en termes de capacité de différenciation.
D’un point de vue sectoriel, les banques coopératives sont particulièrement mises à l’honneur, avec sept chapitres – soit plus de la moitié de l’ouvrage – qui leur sont consacrés. Cela s’explique sans doute par le fait que ce livre est porté principalement par les animateurs de la chaire « management et gouvernance des coopératives financières » à l’IAE de Paris. On apprécie cependant l’ouverture sur les nouvelles formes de coopératives avec l’article sur les CAE ou le renouveau des coopératives de consommateurs à travers les supermarchés coopératifs, et l’intégration des coopératives agricoles et de commerce de détails. Cette ouverture permet non seulement de pointer les spécificités des coopératives bancaires, mais aussi, ainsi que le souligne très justement l’introduction, « d’identifier des principes généraux communs ».
L’apport de l’ouvrage, d’un point de vue théorique, a trait à la question de l’hybridité et de ses effets. Les articles permettent d’identifier les tensions entre logiques de développement politiques et économiques, et les manières de les dépasser. La mobilisation d’approches sur les logiques institutionnelles aurait sans doute permis d’approfondir la manière dont sont gérées ces tensions et la nature des compromis, parfois instables, qui s’opèrent, ainsi que s’efforce de le montrer le chapitre 3 (écrit par Nathalie Bénet, Aude Deville et Séverine Ventolini), étayé par la théorie des conventions dans le secteur bancaire. Le rôle des processus de mise en débat et de délibération aurait également pu faire l’objet d’une attention plus importante, notamment dans la mobilisation sociétaire.
On regrette enfin quelques maladresses. Ainsi, dès l’introduction est réaffirmé le principe « un homme, une voix » plutôt que celui d’« une personne, une voix » ; plus loin (p. 208), les auteurs avancent le nombre d’1,2 million de salariés dans les coopératives en France – un total très éloigné des 308 502 salariés recensés par l’Insee en 2015 – sans prendre la précaution de préciser le périmètre de cet effectif... Parfois, la vision de la coopérativeest un peu générale, par exemple quand les auteurs abordent dans un même article la perspective RH pour les banques coopératives comme pour les Scop, ce qui, du point de vue de la nature du sociétariat, de la taille de l’organisation et du secteur d’activité, mériterait discussion. En outre, certains articles pionniers, tel celui d’Hajar El Karmouni et Muriel Prévot-Carpentier sur le supermarché coopératif de la Louve à Paris, publié dans le n° 340 de la Recma, ne sont pas référencés en bibliographie. Les Scic ne sont pas abordées, alors même qu’elles constituent un observatoire de pratiques de gestion multi-parties prenantes et de multi-sociétariat particulièrement originales et instructives autour de l’enjeu de l’émergence de compromis. Enfin, la conclusion aurait gagné en épaisseur si elle avait développé un peu plus les pratiques de gestion identifiées et leur caractère innovant. Telle quelle, elle porte les prémices de développements ultérieurs prometteurs.
In fine, centrées sur la différence coopérative, les contributions de cet ouvrage montrent que le statut compte tant du point de vue de « la gouvernance par les valeurs » (pour reprendre le titre du chapitre écrit par Mariem Ghares et Éric Lamarque) que de celui des pratiques de gestion « plus collectives et participatives » (p. 15). En soi, un programme de recherche stimulant du point de vue de la recherche et inspirant pour les praticiens.

Nadine Richez-Battesti