Syndicalisme et économie sociale : un cousinage vivant à réinvestir

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S’interroger aujourd’hui sur les relations entre syndicalisme et économie sociale, c’est risquer de rouvrir un débat ancien : le syndicalisme doit-il être exclusivement revendicatif ? Peut-il être également gestionnaire, sur le plan économique ? Telle n’est pas l’intention de cette modeste contribution. Tout au plus ambitionne-t-elle d’apporter quelques éléments d’information pour la réflexion (1).

En France, des origines communes

Le syndicalisme français et ce que nous appelons aujourd’hui l’économie sociale sont historiquement consubstantiels. Dès l’origine, la lutte pour de meilleures conditions de travail et de rémunération s’est accompagnée d’une aspiration à l’émancipation économique. L’ampleur de cette émancipation, les moyens pour la réaliser faisaient l’objet de désaccords entre réformistes et révolutionnaires. Ils trouvèrent toutefois un compromis à l’occasion du congrès de la CGT, en 1906, avec la charte d’Amiens : « […] L’oeuvre revendicatrice quotidienne […] n’est qu’un côté de l’oeuvre du syndicalisme ; il prépare l’ émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ; il considère que le syndicat, aujourd’ hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupement de production et de répartition, base de la réorganisation sociale. » Le fondateur des bourses du travail, Fernand Pelloutier, avait ouvert la voie : « Les syndicats ont une ambition très haute et très noble… Au lieu de se considérer soit comme de purs instruments de résistance à la dépression économique, soit comme de simples cadres de l’armée révolutionnaire, ils prétendent en outre semer dans la société capitaliste même le germe de groupes libres de producteurs. » Il faisait écho à la proposition d’un ouvrier, le cordonnier Steinmetz (cité dans La classe ouvrière et le syndicalisme en France, de 1789 à 1965, de Georges Vidalenc, alors directeur du Centre d’éducation ouvrière de FO) : « Ce qu’ il faut, avant tout, c’est que les ouvriers se préparent par le groupement corporatif, par la création de bourses du travail, par l’étude approfondie de toutes les grandes questions économiques et sociales, à prendre en main la direction de la production. »

L’économie ouvrière israélienne

Dans le monde, les initiatives économiques des syndicats sont nombreuses et mal connues ; elles revêtent différentes formes et obtiennent des résultats très variables, en fonction des contextes historiques, économiques et sociaux propres à chaque pays. C’est sans doute en Israël que syndicalisme et économie sociale – que nos amis de l’Histadrout appellent l’économie ouvrière – ont le plus développé leur complémentarité, au point de se confondre. Que l’on en juge : au tournant des années 90, l’Histadrout contrôlait 29 % du chiffre d’affaires et 20 % des emplois de l’industrie, 85 % de la production et 70 % des emplois agricoles, 37 % de l’activité bancaire, 23 % des assurances, la gestion directe de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse, la quasitotalité des transports en commun… Tout cela a été, depuis, en grande partie démantelé par les gouvernements de droite, après que les travaillistes ont dû céder la place qu’ils occupaient, sans partage, depuis 1948. Mais ce recul est aussi la conséquence de la mondialisation et, sans aucun doute, du tragique enlisement du « processus de paix ».

Un système de santé original au Portugal : le SAMS

– la Confédération générale des travailleurs (CGT-P), traditionnellement proche du Parti communiste, et l’Union générale des travailleurs (UGT-P), traditionnellement proche du Parti socialiste – ont des relations anciennes et étroites avec le mouvement coopératif. C’est moins vrai des mutuelles, qui se sont principalement développées dans les activités libérales. Les activités économiques des syndicats portugais visent à offrir à leurs adhérents des services à des conditions avantageuses et quelquefois exclusives et, par là, à les fidéliser. La plupart de ces activités sont le fait de syndicats professionnels nationaux ou régionaux qui, dans la tradition syndicale portugaise, disposent d’une grande autonomie. Elles sont généralement réalisées au travers de coopératives, d’associations ou de fondations directement liées aux syndicats, mais elles peuvent également être déléguées à des entités extérieures.

Le Syndicat des employés de banque de l’UGT-P a créé son propre système de santé, le SAMS (Serviços de assistência medico social, www.sams.pt). Outre le conventionnement de praticiens et d’établissements de santé, il offre à ses adhérents l’accès à ses propres dispensaires et hôpitaux. Certains de ces établissements sont parmi les meilleurs du pays. C’est le cas de l’hôpital général de Lisbonne, dont la conception du plateau technique a fait l’objet en son temps d’une collaboration avec l’Institut mutualiste Montsouris (IMM) de la Mutualité fonction publique française (MFP), au travers de l’Institut de coopération sociale internationale, qui s’est fortement investi au Portugal dans les années 80-90. Le SAMS a également créé un réseau de magasins coopératifs (Coopbancarios), dont un important centre commercial au centre de Lisbonne, ainsi que des résidences de vacances.

D’autres exemples des relations entre coopération et syndicalisme au Portugal

Citons rapidement d’autres exemples des relations fécondes entre syndicalisme et économie sociale au Portugal. Le Syndicat des agents de la fonction publique (Sintap) propose à ses adhérents un ensemble de services : assurance, vacances, carte d’achat… La Fédération des enseignants (Fenprof) a également développé une importante activité de services aux adhérents, leur proposant notamment un complément retraite. Par ailleurs, la Fédération nationale des syndicats de l’éducation diffuse auprès de ses adhérents une carte de crédit couplée avec un fonds de pension. Depuis 1996, les organisations sectorielles concernées (banque, assurance) de l’UGT-P sont parties prenantes d’une société d’assurance dommages créée en partenariat avec Euresa Holding, les sociétés d’assurances mutualistes P & V (Belgique), Macif (France), Unipol (Italie)… et plusieurs organisations portugaises de l’économie sociale. Dénommée à l’origine Euresa-P, cette société a ensuite pris le nom de Sagres. Depuis 2009, Macif-Portugal a pris le relais en position majoritaire et a récemment accueilli la CGT-P parmi ses actionnaires.

A l’instar de la Macif, plusieurs entreprises françaises de l’économie sociale, qui ambitionnent de s’implanter au Portugal, s’efforcent d’obtenir la coopération des syndicats portugais. C’est le cas aujourd’hui, par exemple, du Groupe Chèque Déjeuner, dont la récente création de la filiale portugaise s’est réalisée en concertation avec les syndicats et la plupart des organisations portugaises de l’économie sociale.

Syndicat et économie sociale : un terrain d’étude à réinvestir

Au Portugal comme ailleurs, la liste des expériences syndicales pourrait être longue, mais cette énumération gagnerait en intérêt si une recherche était conduite, permettant un compte rendu exhaustif et évaluatif des raisons des succès et des échecs. On verrait sans doute que, partout, ces expériences se heurtent aux mêmes difficultés que les autres formes d’économie au service de l’intérêt général ou de l’intérêt collectif, au fur et à mesure que l’économie mondialement financiarisée tend à s’imposer comme seul modèle possible.

Cette constatation devrait conduire à une double démarche : d’une part, mieux connaître, pour en tirer parti, les autres expériences syndicales ; d’autre part, créer des synergies avec toutes les formes d’économie sociale, en considérant que les coopératives, les mutuelles et les associations sont « plus qu’un chemin économique », comme l’écrivait René Valladon à propos de l’idée coopérative (FO et l’ économie sociale, octobre 2007).

Marcel Caballero, vice-président du Ciriec France

(1) Version résumée de deux textes parus dans les Brèves du Ciriec à la
fin de l’année 2008 et en mars 2010.