Stratégies de conquête internationale des coopératives vinicoles du Languedoc-Roussillon : un séminaire M-WIB

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En vingt ans, les coopératives viticoles (production du raisin) et vinicoles (production du vin) ont fourni de grands efforts pour se développer vers l’aval et les consommateurs grâce à des stratégies de conquête de parts de marché à l’échelle internationale. Parallèlement, le marché de la consommation intérieure de vin baisse structurellement depuis des décennies en France : cette orientation vers l’étranger représente donc un enjeu important. C’est pour donner à comprendre ces évolutions ainsi que d’autres spécificités du modèle coopératif vitivinicole que le séminaire M-WIB (Montpellier Wine International Business), créé par l’Institut Agro et l’université de Montpellier, leur a consacré sa troisième édition, réunissant chercheurs, professionnels et étudiants ingénieurs agronomes le 11 février dernier, à l’occasion d’un webinaire organisé par Foued Cheriet, Louis-Antoine Saïsset et Hervé Hannin (2). Rappelons qu’en Languedoc-Roussillon le vin est un acteur économique, coopératif, institutionnel mais aussi académique de poids : quatre cents scientifiques sont mobilisés sur cette thématique, avec treize unités de recherche, dont deux  expérimentales, au sein du pôle scientifique qui réunit l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), l’université de Montpellier et l’Institut Agro (lequel réunit Montpellier SupAgro et AgroCampus Ouest qui ont fusionné en devenant des écoles internes en 2020, et devrait accueillir AgroSup Dijon en 2022). Quant à la coopération vinicole, elle est historiquement ancrée dans cette région : la première cave coopérative de France est créée à Maraussan en 1901 ; les coopératives vinicoles se développent  entre les deux guerres mondiales. « Le monde coopératif, ce n’est pas que de l’histoire, c’est un modèle d’ESS qui va nécessairement inspirer les initiatives économiques, notamment dans le monde agricole et viticole. On souhaite accompagner ces évolutions », a souligné Hervé Hannin, directeur du développement de l’Institut des hautes études de la vigne et du vin, (IHEV) dans son propos liminaire.

De multiples enjeux à l’exportation
Comment les coopératives vitivinicoles font-elles évoluer leur stratégie au niveau international ? Pour répondre à cette question, Louis-Antoine Saïsset (UMR MoISA, Institut Agro Montpellier SupAgro) a campé un décor en clair-obscur : la France a connu plusieurs vagues de fusions entre caves coopératives, dans les années 1980-1990 puis dans les années 2004-2010, passant de 1 000 caves et unions en 1995, à 570 en 2018, soit une baisse de 43 %. Une tendance similaire à celle observée dans la coopération agricole. « L’impact de ces fusions réalisées entre 2007 et 2013 a été positif sur les performances financières enregistrées entre 2014 et 2017, ainsi que sur la stratégie aval d’une manière générale, mais un point reste non documenté : l’impact de ces fusions sur l’amont et la rémunération des adhérents, c’est-à-dire des producteurs qui sont aussi des associés au capital de la coopérative », a-t-il souligné.
Aujourd’hui (chiffres de 2018), les caves coopératives représentent près de 40 % de la production de vin en France ; elles réalisent 25 % du chiffre d’affaires de la filière vin. 28 % des coopératives exportent en direct (hors filialisation), une proportion qui grimpe à plus de 40 % au niveau des unions (hors filialisation également). La coopération vitivinicole reste relativement  diversifiée du point de vue de la taille de ses entreprises (ce que certains voient comme un atout, et d’autres une faiblesse) : 3 % des coopératives vinicoles réalisent 30 % du CA, alors que 3 % des coopératives agricoles (toutes productions confondues) réalisent 80 % du CA. Et l’heure est à la complexification des structures, aux regroupements au sein d’unions, aux fusions-absorptions et à  la filialisation à travers des prises de participation dans des sociétés commerciales (tendance assez récente pour faciliter l’ouverture de marchés à l’étranger). « On observe une résilience et un assez bon positionnement sur les marchés export grâce à un partage des connaissances et des visions stratégiques au sien des coopératives, dû à leur modèle de gouvernance spécifique. Leur taille limitée et les spécificités coopératives ne sont pas un obstacle pour leur positionnement international », a conclu Louis-Antoine Saïsset, faisant référence à sa thèse soutenue en 2014.
Les défis à relever semblent nombreux. L’intervention courte mais offensive de Thierry Coste, président du groupe « vin » de l’organisation professionnelle Copa Cogeca, a montré comment le lobbying de la filière s’organise désormais à la manière d’un think tank. « L’époque des années 1970 où la France  faisait entendre sa voix dans la PAC est révolue, il faut connaître les arcanes de l’Union européenne, s’entourer de cabinets de communication, connaître les règles de l’OMC pour le bon développement de la filière. Au ministère  de la Santé, nous devons rappeler que nous avons des produits de territoires, de dénominations, une mosaïque qui s’est constituée au fil du temps, forte et fragile à la fois, et qui doit aujourd’hui faire face aux conséquences du Brexit, au  ralentissement des importations de la Chine, à de nouvelles réglementations, à l’entrée dans la période de transition vers la PAC 2023, qui prévoit davantage de préoccupations environnementales mais  aussi de charges sur les exploitations, au ralentissement des vols aériens et des liaisons en raison de la crise sanitaire... ». Selon lui, des mesures de marché extraordinaires ont été prises pour  pallier les effets de la pandémie de Covid-19 et doivent se poursuivre, mais c’est surtout grâce à l’intercoopération avec l’Espagne et l’Italie que les caves pourront répondre aux chocs dans un  monde multipolaire. C’est ainsi que, fin 2020, le Copa Cogeca organisait un webinaire avec des parlementaires européens et des représentations professionnelles et politiques de différents pays, pour partager les visions sur le secteur.

Des modèles organisationnels construits à partir de la production
La présentation de Joël Castany, président de conseil de surveillance de Vinadéis, conglomérat coopératif, a permis de prendre la mesure des évolutions de manière plus palpable, et quasi vertigineuse, avec différents schémas  montrant le montage juridique et financier qui réunit dans une holding Val d’Or-bieu (coopérative de second degré créée en 1967 autour de neuf coopératives de village et de trente-deux vignerons indépendants), InVivo Wine (union nationale composée de 220 coopératives parfois de second niveau) et Vendéol (coopérative au chiffre d’affaires  de 30 millions d’euros).Le groupe Vinadeis détient de nombreux portefeuilles d’activité, dont une usine de vrac parmi les plus modernes du monde, et réalise 260 millions d’euros de CA, dont 90 millions d’euros à l’export. « L’alliance entre coopératives vitivinicoles est ce qui va permettre de conquérir des marchés pour les coopératives françaises. Les marges du vin sont faibles. Il faut respecter les tailles mais des leaders doivent émerger à l’international, dans le respect de la gouvernance coopérative », a renchéri Joël Castany.
Carole Maurel (université de Montpellier) a souligné que l’export n’est pas réservé aux grosses coopératives, mais nécessite une politique volontariste. Émile Géli, directeur export de Sieur  d’Arques, a mis en lumière la success story du premier vin effervescent, inventé avant le champagne dans le Languedoc-Roussillon par des moines, et dont la notoriété et la légitimité, conjuguées à d’habiles stratégies, ont permis une belle croissance.
Mais quels modèles de croissance et de développement dans le respect du modèle coopératif pour l’avenir ? A la fin du séminaire, les avis semblaient converger pour dire qu’il y a là un bel objet de  recherche. Signalons le projet de recherche Innogouv, qui étudie la gouvernance, l’innovation et la performance durable vitivinicole à l’aune du modèle coopératif et de ses spécificités, dirigé par Louis-Antoine Saïsset, et dont les premiers résultats seront disponibles dans un an.

Lisa Telfizian

(2) Le séminaire était organisé dans le cadre de la Key Initiative Montpellier Vine & Wine Sciences (Muse). https://muse.edu.umontpellier.fr/key-initiatives-muse/vine-wine-sciences/