Séminaire juridique du GNC: vers une simplification des statuts coopératifs?

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Au bout de sept sessions, le séminaire juridique du Groupement national de la coopération (GNC) devient un rendez-vous habituel, en dépit de son absence en 2008. Groupes coopératifs, affectation des résultats, société coopérative européenne…: autant de thématiques qui ont déjà retenu l’attention des chercheurs et des coopérateurs pour faire le point sur une question d’actualité ou d’un intérêt particulier. Pourtant, le séminaire du 2 décembre 2009 [voir les actes de cette journée sur le site du GNC, NDLR] présentait quelques particularités notables. Tout d’abord, pour la première fois, il ne se tenait pas à Paris, mais en notre bonne ville de Lille. En effet, seconde innovation (il fallait bien ça après une année 2008 vierge), le séminaire était organisé en collaboration avec l’université de Lille 2, et plus particulièrement le centre René-Demogue, sous la houlette de Laurent Gros, qui y prépare son doctorat.

Le centre René-Demogue : le droit coopératif à l’université

Le centre René-Demogue est un centre de recherche fondé au milieu des années 90, codirigé depuis peu par Sandrine Chassagnard-Pinet et Denis Voinot, et destiné à l’étude du droit des contrats et à la théorie du droit. Modeste par sa taille, il est en revanche reconnu comme un des plus dynamiques de la faculté de droit de Lille 2. Depuis quelques années, sous l’impulsion de l’auteur de ces lignes, le centre a porté son attention sur le droit coopératif. C’est ainsi que deux thèses sur ce thème y sont en cours de préparation. Le centre René-Demogue tient une chronique annuelle de droit coopératif au sein d’une revue juridique (La Semaine juridique, édition « Entreprise »), seul exemple du genre. Malgré l’éloignement du promoteur originel de la recherche (détaché à l’université du Luxembourg), le centre a maintenu son intérêt pour la coopération et en a même fait l’un de ses axes de recherche pour le prochain contrat quadriennal. Cette co-organisation reflète tout à la fois l’intérêt du monde universitaire pour la coopération et le souhait du mouvement coopératif de collaborer avec la recherche académique. L’objectif était double : d’un côté, enrichir la recherche en droit coopératif ; de l’autre, mieux faire connaître la coopération au sein de l’Université. Force est de constater que le second point n’a pas été un franc succès. Comme malheureusement de nombreuses manifestations scientifiques, le séminaire n’a pas accueilli beaucoup de chercheurs et d’étudiants extérieurs au centre Demogue. Le premier point, à en croire des bruits de couloir convergents, a mieux réussi : plusieurs personnes autorisées ont considéré que ce séminaire juridique était le meilleur de ceux organisés jusqu’à présent.

Les spécificités des statuts juridiques : un enjeu identitaire

Concrètement, le séminaire était assuré par des universitaires français et étrangers et animé par un acteur du monde coopératif (Lionel Orsi, directeur du service juridique de la CGScop). C’est un choix en rupture avec les habitudes d’un plus grand mélange entre théorie et pratique et, même si l’on peut être tenté de ne pas s’en réjouir, constatons que le résultat a été bon.
Mais venons-en à la thématique elle-même: « Vers une simplification des statuts coopératifs ». Sa signification profonde risque d’échapper aux noninitiés. Nous les aiguillerons en indiquant que des efforts insoupçonnables ont dû être déployés pour convaincre le groupe juridique du GNC d’en valider le choix, chacun exprimant des réticences politiques. Mais pourquoi ? Revenons-en à l’intitulé du sujet : « simplification », c’est qu’il y aurait donc complexité ! De fait, ce qui frappe l’observateur du droit coopératif français, c’est l’importance qu’y tiennent les lois spéciales, propres aux diverses familles coopératives. Ainsi, entre la loi de 1947 et les lois particulières, l’importance reconnue aux statuts, le renvoi général au droit des sociétés et particulièrement aux règles issues du titre III de la loi de 1867 sur les sociétés à capital variable, le droit coopératif français a pu être qualifié, au cours du séminaire, de millefeuille, voire de crumble, qui ne peut certainement être digéré que par des estomacs aussi gourmands qu’avertis. C’est incontestablement un handicap pour la promotion des coopératives. Allez expliquer à un quidam qui veut monter une entreprise et qui hésite sur le choix de la coopération que, bien loin d’être au bout de ses peines s’il franchit le pas, il devra encore éliminer près d’une trentaine de statuts coopératifs pour n’en retenir qu’un ! Mais alors, comment expliquer ces réticences face à un sujet qui, nous le voyons bien maintenant, n’est pas seulement intéressant, mais vital ?
Ah, le poids de l’histoire ! Aussi perturbant soit-il, ce camaïeu est constitutif du paysage coopératif français et, derrière les lois, il y a des hommes fortement attachés à cette diversité qui, pour eux, rime avec indépendance des familles. Or, si la complexité provient de cette diversité, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour prédire que la simplification consistera dans l’abandon ou la réduction des spécificités. Les hésitations se comprennent dès lors beaucoup mieux et l’organisation même du séminaire apparaît comme une victoire de la coopération sur les égoïsmes familiaux.

La coopération, un mouvement social non reconnu en tant que tel

Pour mener à bien cette réflexion délicate, le choix opéré a été scientifiquement aussi classique que solide. On peut dire que le séminaire a été découpé en deux temps : l’état des lieux, puis les perspectives d’évolution. Mais pour procéder à l’état des lieux, les organisateurs ont tourné leur regard dans deux directions : d’un côté le passé, de l’autre l’étranger.
Farid Lekehal est revenu sur les relations entre coopérateurs et pouvoirs publics dans les années 1850-1860 à partir d’un premier dépouillement des archives du département du Nord. Aussi innocentes que puissent apparaître les petites histoires glanées, elles n’en appellent pas moins des échos inattendus dans les errements des politiques publiques contemporaines à l’égard de l’économie sociale et solidaire : attente démesurée des coopérateurs, méfiance fantasmatique des pouvoirs publics.
Laurent Gros a ensuite tracé à grands traits l’histoire des textes coopératifs jusqu’à l’avènement de la loi de 1947, qui se présente comme un statut général et ouvre vers une codification annoncée, mais s’est finalement refermée sur elle-même, le droit coopératif concret se trouvant de façon croissante au sein de lois spéciales proliférantes.
L’histoire nous amène donc à un droit coopératif développé tardivement en raison des incompréhensions entre Etat et mouvement social. Cela a entraîné une construction législative par petites touches, famille par famille, en même temps qu’une approche politique sectorielle qui a empêché, ou du moins fortement freiné, la construction d’un véritable mouvement coopératif.

Exemples québécois et italien

Ce constat a été renforcé par contraste avec les exemples étrangers. C’est ce qu’ont montré Andrée De Serres pour le Québec et Antonio Ficci pour l’Italie.
Au Québec, la loi coopérative a été révisée en 2003 et, sans toujours consacrer explicitement les principes de l’ACI, elle s’en inspire directement. La loi coopérative est tout à fait générale, ne comportant pour chaque famille que des dispositions extrêmement réduites. Deux points méritent encore d’être relevés: d’abord, cette généralité comporte une exception de taille, puisqu’elle ne s’applique pas aux banques coopératives ; ensuite, l’insertion des coopératives parmi la diversité des personnes de droit privé a au Québec une configuration originale, puisque le Nouveau Code civil de 1992 ne consacre plus la notion de société, mais seulement celle d’entreprise, dont la coopérative est une forme.
En Italie, il n’y a pas à proprement parler de loi coopérative, puisque – et c’est le sceau d’une reconnaissance non négligeable – elles sont envisagées au sein du Code civil (qui contient aussi aujourd’hui le droit commercial). Là encore, les dispositions sont éminemment générales et Antonio Ficci insiste sur le fait que l’importance de dispositions spéciales risque de faire primer l’identité sectorielle sur l’identité coopérative. La particularité italienne est peut-être la distinction entre les coopératives à prévalence mutualiste et celles qui ne le sont pas. Si toutes les coopératives obéissent à une même philosophie, les coopératives à prévalence mutualiste se soumettent à des règles plus strictes et, en contrepartie, bénéficient d’avantages, notamment fiscaux.

Réaffirmer une identité coopérative autonome

Face à ce constat, Pierre Mousseron et David Hiez ont eu pour tâche d’ouvrir des perspectives d’évolution.
Pierre Mousseron s’est attaché à montrer quels étaient les points techniques les plus délicats qui auraient requis approfondissement et précision. Les difficultés concrètes de rédaction des statuts coopératifs font apparaître l’imbrication de toutes les sources du droit. Les relations ambiguës entre les statuts proprement dits et le règlement intérieur, l’adjonction aux questions statutaires des relations contractuelles relatives à l’activité des coopérateurs sont autant de points non élucidés dans la loi actuelle.
David Hiez s’est quant à lui attaché à l’autonomie du droit coopératif par rapport au droit des sociétés. Sans tomber dans une idéologie stérile, il a présenté la réaffirmation du droit coopératif comme vitale pour redonner aux coopératives une identité sans laquelle elles risquent de perdre leur statut propre, rien de moins. Ambitieuse, cette voie serait de nature à fournir un modèle construit à côté de celui de la société anonyme et pourrait redonner à la coopérative sa place avant-gardiste au sein de l’économie sociale et solidaire.
La richesse des communications a conduit à celle des échanges avec la salle. En dépit de divergences minimes, les coopérateurs ainsi que les représentants des familles coopératives se sont montrés sensibles, voire enthousiastes, quant aux perspectives ouvertes. Cela est bien certainement encourageant, mais ne doit pas faire oublier la réalité des pratiques et les hésitations qu’elles font naître. La recherche d’une simplification des statuts coopératifs est apparue comme une entrée pour réaffirmer une identité coopérative autonome et commune, seul l’avenir nous apprendra si l’envie suscitée par ce séminaire n’aura été qu’un frisson ou si elle participe d’un réveil porteur d’espoir.

David Hiez