Petit manuel critique des théories économiques

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Liêm Hoang-Ngoc, Éditions La Dispute, 2022, 260 pages

L’économie n’a plus forcément très bonne presse et fait même parfois l’objet d’un rejet ou de nombreuses critiques, au prétexte qu’elle serait incapable de contribuer efficacement à lagestion du monde – contrairement à sa proposition étymologique oïkos / nomos qui visait à l’administration de la maison. Pire, les théories économiques sont suspectées de servir telles ou telles causes et d’être globalement inaptes à prédire notre avenir pour pouvoir l’anticiper. Soupçonnée d’être devenue instrumentalisée et inefficace, l’économie est donc souvent rejetée et les économistes avec.
Pourtant dans l’époque toujours plus complexe que nous traversons, mondialisée mais aussi territorialisée, courtermiste mais aussi long-termiste, politique mais aussi autonome, la compréhension des phénomènes économiques et de leurs causes et conséquences est une condition sine qua non d’une bonne lecture de notre environnement. Plutôt que de la rejeter, il faut donc réhabiliter l’économie. Cela pourrait être l’objectif de Liêm Hoang-Ngoc en publiant son Petit manuel critique des théories économiques, qui propose de se démarquer des manuels traditionnels en insistant sur la fonction idéologique des théories économiques.

Maitre de conférences habilité à diriger des recherches à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Liêm Hoang-Ngoc est aussi un homme politique engagé (il a été notamment député européen du Parti socialiste de 2009 à 2014 avant de s’engager sur d’autres voies politiques) et il n’a jamais caché ses convictions d’homme de gauche en matière d’économie. Ses travaux proposent une lecture postkeynésienne de l’économie et son manuel entend montrer comment les théories orthodoxes – conformes (ortho) à un système considéré comme le seul vrai (doxa) – qui sont présentées majoritairement dans les sphères académiques, ont concouru sous couvert d’une démarche scientifique à légitimer les politiques libérales et néolibérales depuis plus d’un demi-siècle. C’est dans cet esprit critique, fidèle à la promesse du titre de l’ouvrage, qu’il fait une grande place aux deux porte-étendards de la pensée économique hétérodoxe – non conforme (hetero) à l’opinion(doxa) – que sont Marx et Keynes et aux prolongements théoriques de leurs héritiers. Ce petit manuel destiné aux étudiantes et étudiants sera très utile à toutes celles et tous ceux qui souhaitent se forger une bonne culture économique nécessaire à la compréhension du débat économique contemporain.
En effet, cette réédition revue et corrigée du premier manuel, paru en 2011, propose un répertoire complet et actualisé des courants de l’histoire de la pensée économique en les  résentant de manière littéraire plutôt que mathématique. Le parti pris est précisé dès l’avant-propos par l’auteur, qui affirme que les discours économiques sont considérés comme des idéologies, c’est-à-dire l’expression plus ou moins déformée par les économistes eux-mêmes de la réalité qu’ils se proposent d’interpréter en tant qu’être socialement déterminé. Pas de neutralité objective donc. Liêm Hoang-Ngoc fait même le procès vraisemblablement fondé de la science économique, qui retient dans ses modèles trop d’hypothèses non validées par l’observation empirique mais conduisant à des prédictions conservatrices en accord avec l’ordre établi. Comme une économie au service du pouvoir politique dominant. Prévenu, le lecteur peut alors se lancer dans cette promenade aux pays des théories économiques. Il démarrera, évidemment, par les théoriciens classiques et croisera Smith, Ricardo et les autres. Il passera par la critique marxienne de l’économie politique avant de découvrir la réponse néoclassique apportée par Walras, Menger et consorts. Puis Keynes l’occupera avant de se projeter dans ce que Liêm Hoang-Ngo appelle fort justement la boite à outils du mainstream. Pour finir ses pérégrinations, le lecteur sera invité à découvrir les héritiers rebelles de Keynes et à questionner l’avenir de l’hétérodoxie en économie pour porter une autre synthèse.
Il faut noter que, dans ce manuel, l’auteur a choisi de ne pas être biographe. La vie des grands théoriciens de l’économie n’est pas évoquée et le choix a été fait de se concentrer sur l’impact politique de leur pensée. Choix judicieux, car il y a d’autres ouvrages pour cela et de ce fait celui-ci gagne en clarté et en concision. Très soucieux de démontrer le caractère socialement conservateur de la théorie néoclassique qui se dissimule derrière des modèles prétendument scientifiques, l’auteur montre aussi comment la critique de l’économie régnante a fait jaillir à chaque époque une pensée économique alternative source de dialogues souvent vertueux. Finalement, pour fonder une économie hétérodoxe positive, il nous propose de voir – enfin – la pensée économique comme une science sociale et non comme une science exacte. Bonne (nécessaire) balade.

Arnaud LACAN
Professeur de management et entreprises responsables