La collaboration gouvernement/associations mise en lumière par le Prix de thèse de l’INJEP

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Un jeune prix de thèse
L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) est un service à compétence nationale du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, producteur de connaissances et centre d’expertise public sur les questions de jeunesse, d’éducation populaire, de vie associative et de sport. Au croisement des univers de la recherche, des statistiques publiques, des élus et des professionnels, l’INJEP veille à produire des données et analyses pertinentes pour le milieu académique comme pour les acteurs de terrain. L’institut a également vocation à contribuer au rayonnement de la recherche et à la soutenir avec l’ambition de rapprocher les sciences et la société. C’est pour ces raisons que l’INJEP a lancé pour la première fois, au cours de l’année 2022, son prix de thèse consacré à la vie associative et à l’éducation populaire. Ce prix récompense des travaux récents pour leur remarquable qualité scientifique, leur originalité mais également leurs apports académiques ou pratiques autour des thématiques portées par l’INJEP. Ce prix a vocation à être décerné annuellement selon trois thématiques (Jeunesse, Vie associative et éducation populaire, Pratiques sportives) qui se succèderont.
Pour l’édition 2022, 21 candidats ont proposé leur thèse, 11 ont été présélectionnés. Le 29 novembre dernier, un jury composé de personnalités qualifiées universitaires ou professionnelles s’est réuni et a choisi comme finalistes cinq recherches particulièrement intéressantes : la thèse de Thomas Chevallier, « Résister à la politique. Participation associative et rapport au politique dans les quartiers populaires en France et en Allemagne » en Sciences politiques, soutenue à l’Université de Lille, la thèse de Jérémie Louis, « Le pouvoir d’agir dans les centres sociaux, un nouveau rapport politique ? » en Aménagement et urbanisme, soutenue à l’Université de Nanterre, la thèse d’Alicia Jacquot, « Les ateliers relais, sociologie d’un partenariat entre éducation populaire et Éducation nationale » en Sociologie, soutenue à l’Université Aix-Marseille, et la thèse de Christophe Tropeau, « La sociabilité associative dans les communes rurales du département de la Mayenne, des années 1830 aux années 1930 » en Histoire, soutenue à l’Université Bretagne Sud. Le prix de thèse de l’INJEP a été à l’unanimité décerné à Caroline Demeyere et sa thèse « Gouvernance publique et collaboration gouvernements-associations dans l’action publique : approche ethnographique des dynamiques relationnelles dans le champ des politiques d’égalité entre les femmes et les hommes (1981-2020) », soutenue à l’Université de Paris Nanterre, en Sciences de gestion.

Un sujet d’actualité
La relation gouvernement/associations est aujourd’hui percutée par d’importantes mutations : on peut mentionner ici la réorganisation de l’État avec la décentralisation, la LOLF et la RGPP, mais également les formes nouvelles de la délégation au secteur privé avec, par exemple, le développement de groupements d’intérêt public (GIP) (1). La puissance publique a instigué depuis plusieurs décennies une externalisation d’une partie des missions de services publics réalisées principalement par les associations (Cottin-Marx, Hély, Jeannot et Simonet, 2017). Pour autant, l’État maintient son rôle de chef d’orchestre au cœur d’une action publique où s’entremêlent dorénavant une pluralité d’acteurs, publics et privés, et ce « dans des interdépendances multiples » (Commaille, 2014) et à plusieurs échelles, rendant de plus en plus complexe l’analyse des régulations ou du déploiement d’une politique publique. Face à cette complexité nouvelle, la question de la collaboration gouvernement/associations est au cœur des enjeux pour le secteur de la vie associative et de l’éducation populaire. Dès 2001, le sujet est abordé par les décideurs, associations et administrations lors de la création de la Charte des engagements réciproques entre les pouvoirs publics et les associations (1er juillet 2001). Celle-ci a pour objectif premier la coopération entre le monde associatif (représenté par ce qui deviendra le Mouvement associatif), l’État, et les collectivités territoriales. Si entre 2001 et 2014, la charte s’est, sur le terrain, très peu concrétisée, ce n’est qu’après la seconde charte de 2014 qu’un renforcement des relations partenariales s’engage entre pouvoirs publics et associations. Les chartes locales se multiplient sans que leurs effets ne soient aujourd’hui pleinement questionnés, même dans la littérature professionnelle.
La recherche, de son côté, souligne la complémentarité de la puissance publique et des acteurs associatifs (Salamon et Toepler, 2015) (2) dans le cadre des transformations de l’action publique. La coopération des deux sphères permettrait en outre l’amélioration d’une démocratie en crise (Pestoff et Brandsen, 2010) : les auteurs montrent que la nouvelle gouvernance publique met beaucoup plus l’accent sur la participation des citoyens et la fourniture de services sociaux par le « tiers secteur », que les services publics traditionnels qui ne sont pas coproduits. Pour autant, « l’avantage collaboratif (3) » plébiscité par l’ensemble des acteurs (4) jusqu’aux discours institutionnels, ou encore les relations de pouvoir et/ou formes de la régulation qui s’y déroulent, sont peu questionnés, et peu analysés.

Des contributions importantes
C’est bien ici que se distingue le travail doctoral de Caroline Demeyere. La chercheuse déconstruit le « mythe » du tout collaboratif, en faisant le choix de ne pas considérer l’État,  ni le secteur associatif comme une « institution unifiée et monolithique », mais plutôt de prendre en compte les stratégies et les dynamiques des acteurs dans le processus de collaboration. La thèse propose ainsi un regard sur l’évolution des relations gouvernements/associations dans les politiques publiques d’égalité entre les femmes et les hommes dans une région française entre 1981 et 2020, mais également une étude des dynamiques collaboratives contemporaines, et ce de manière processuelle (5) et compréhensive (6) . Pour ce faire, l’auteure a mobilisé une approche ethnographique par étude de cas élargie ou sciences réflexives – de manière originale s’agissant d’une thèse en Sciences de gestion. Elle a mobilisé une matière particulièrement riche avec 14 cahiers de terrain, 19 entretiens semi-directifs à partir de trois guides d’entretien, et un recueil documentaire qui permet la réalisation du travail historique.

Appuyée sur une analyse rigoureuse, et sans tomber dans une critique gratuite des rapports acteurs publics/associatifs, la thèse offre plusieurs contributions majeures : tout d’abord la remise en cause d’une illégitimité démocratique de la régulation hiérarchique, puis l’usage de la collaboration pour les acteurs non-gouvernementaux afin de se protéger des risques inhérents à la régulation concurrentielle. Enfin, la mise en exergue des stratégies gouvernementales à l’égard de la collaboration en fonction des positions dominants/dominés au sein de l’État, et en miroir celles des acteurs associatifs à l’égard des pouvoirs publics, constitue une référence pour de futurs travaux. L’analyse de l’opposition entre compétences issues du professionnalisme et du militantisme pourrait également être mobilisée dans des  domaines de recherche voisins comme celui de la philanthropie. D’autres contributions pourraient encore être soulignées, mais nous laissons au lecteur le plaisir de la découverte

Mathilde Renault-Tinacci
Chercheure associée CERLIS-CNRS Université Paris Cité

(1) Forme prise par certaines agences comme celle du sport.
(2) L’un possède les ressources (redistribution), l’arsenal législatif, la capacité coercitive, mais également la bureaucratie et ses dérives/déviances, la distance avec les gouvernés, et l’autre la flexibilité, la proximité avec les citoyens, la force de l’engagement, mais aussi la faiblesse des ressources ou encore l’amateurisme ou le paternalisme.
(3) Nous reprenons ici le terme mobilisé dans le travail de la lauréate.
(4) Ne serait-ce que par l’ONU.
(5) Prise en compte du flux et de l’historicité de la réalité sociale, notamment au travers d’une approche longitudinale.
(6) Façon dont les acteurs interrogent leurs pratiques, leurs représentations et perçoivent la réalité sociale vécue.