Caisse solidaire : liquidation d’une entreprise emblématique de l’ESS

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La liquidation de la Caisse solidaire le 29 novembre 2021 met fin à une expérience originale née en 1997 dans une région très durement éprouvée par l’effondrement d’un tissu industriel qui faisait jusqu’au tournant de la rigueur des années 1980 la fierté du Nord. En réaction à cette situation marquée par la perte de très nombreux emplois, la création de la Caisse solidaire du Nord-Pas-deCalais - à l’initiative de la Région et avec l’appui de la Caisse des dépôts et du Crédit coopératif (qui deviendra son principal actionnaire) ainsi que d’un certain nombre de partenaires institutionnels (Autonomie et solidarité, la Macif, Esfin , les Cigales, le Crédit agricole, l’UR-Scop, etc..) – exprime la volonté de relancer des activités et les emplois dans la région.
Créer, recréer des emplois, c’est également la motivation des très nombreux citoyens qui investissent leur épargne dans la Caisse et c’est l’une des originalités marquantes du projet. Ainsi, l’activité de la Caisse solidaire Nord-Pas-de-Calais s’exerce essentiellement sous forme de prêt aux petites et moyennes entreprises et associations créatrices d’emploi local qui trouvent difficilement à se financer auprès des banques. Organisée sous forme de coopérative financière, la Caisse offre aussi cette particularité d’être dotée d’un comité d’éthique élu en assemblée générale qui est le garant des valeurs fondatrices.

Un modèle mis à l’épreuve
Les ambitions sont grandes dans les années qui suivent la création. Un rapport de Christian Tytgat, l’un des fondateurs de la Caisse Solidaire Nord Pas-de-Calais commissionné en 2001 par Guy Hascoët, secrétaire d’Etat à l’économie solidaire, ne préconise-t-il pas l’essaimage du modèle dans d’autres régions avec la création d’un réseau de caisses solidaires - une vingtaine-sur tout le territoire ? Ce projet ne verra pas le jour en définitive, pas plus que celui de Banque de développement de l’ESS également envisagé à la même époque. Verront toutefois le jour la Caisse Solidaire de Franche Comté à Besançon et la Caisse de développement local à Bordeaux, l’une et l’autre toujours en activité.
Cependant, au long de ses un peu plus de vingt ans d’histoire, la Caisse n’a jamais pu faire durablement la preuve de la viabilité de son modèle économique, accumulant les pertes comblées à  intervalles réguliers par le Crédit coopératif. L’insuffisance de l’activité de prêt, elle-même liée en partie à la faiblesse des moyens humains et matériels, une insuffisante maîtrise des risques et des charges d’exploitation, en sont principalement la cause.
La reprise en main opérée par le Crédit coopératif en 2012, avec l’arrivée d’une directrice générale issue de son sein et un changement à la présidence du conseil d’administration, si elle a permis une amélioration significative de la gestion et de la production de crédit, n’a pas mis fin cependant aux pertes récurrentes. Elle a surtout été l’occasion de conduire une réflexion sur l’évolution  nécessaire du modèle économique de la Caisse passant notamment par un élargissement de son champ géographique et donc par une extension de son agrément d’établissement de crédit spécialisé à l’ensemble du territoire, au-delà du Nord-Pas-de-Calais. D’où le projet d’un rapprochement avec France active, à la tête d’un réseau bénéficiant d’une large implantation territoriale, en mesure de faciliter le déploiement de la Caisse. L’accord négocié en 2016 directement entre le Crédit coopératif et France active aurait dû se traduire par une entrée de cette dernière au capital de la Caisse solidaire et le transfert des activités de la Caisse chez France active. Mais si la reprise par France active de la gestion opérationnelle de la Caisse, qui avait dans cette perspective cessé toute opération de prêt et s’était séparée de son personnel, a effectivement eu lieu début 2018, le projet a été finalement abandonné, « l’opportunité d’un rapprochement capitalistique avec France Active n’ayant pas été confirmée », selon les termes d’un communiqué. Dès lors le sort de la Caisse solidaire était scellé.

La fin d’une expérience pionnière
Pourquoi dans ces conditions a-t-il fallu attendre encore trois années supplémentaires pour mettre fin à cette expérience pionnière qui avait, en dépit d’indiscutables faiblesses, joué un rôle tout à  fait utile, surtout au moment où le redressement opéré à partir de 2012 commençait à porter ses fruits ? La Caisse solidaire agrée ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale), labellisée Finansol, n’avait-elle pas obtenu en juin 2017 le label Finance Innovation témoignant d’une inventivité intacte ? Les partenariats qu’elle avait commencé à tisser avec divers réseaux sur le territoire n’offraient-ils pas des opportunités qui auraient pu être davantage exploitées ? D’autres solutions ont-elles été explorées par le Crédit coopératif, contraint de reprendre la main sur la Caisse solidaire du fait de la défection de France active, mais trouvant sans doute difficile de continuer à combler des pertes récurrentes ?
On peut le penser mais quoi qu’il en soit de ces interrogations, la décision de liquider la Caisse dispensera d’y répondre. N’était-elle pas devenue au fond un sujet d’embarras ? On pourra aussi avancer que si la création de la Caisse solidaire était un moment fort  exprimant le sursaut citoyen d’une région qui ne se résignait pas au déclin, sa disparition aujourd’hui dans un contexte assez  différent de celui des années 1990, avec une plus grande diversité d’acteurs et de ressources de finan-temps forts cement, n’aura pas d’impact significatif. Elle laissera peu de regret sinon à tous ceux qui s’y sont investis, à commencer par les épargnants et sociétaires de la Caisse solidaire qui se sont mobilisés pour la défense de l’emploi. Ils auront pour motif de consolation de n’avoir pas à supporter les pertes de la Caisse, le Crédit coopératif en reprenant l’intégralité à son compte.

Marcel Hipszman, Ancien administrateur de la Caisse solidaire